« Notre but est de faire de ces élèves des citoyens » François Huguet, professeur au lycée Martin Nadaud de Saint-Pierre-des-Corps

François Huguet est professeur d’histoire-géographie au lycée Martin Nadaud à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire). Cette année, il a inscrit ses classes au projet Convoi 77 pour réaliser deux biographies de déportés. Il a bien voulu nous raconter cette expérience.

 

 

Qui sont les déportés sur lesquels vous travaillez cette année?

Il s’agit d’Emmy Wolff (née en 1899) et Heinrich Sussmann (née en 1904). Ce sont deux profils très différents. Heinrich Sussmann a été résistant, ce qui nous a permis de travailler sur les notions d’engagement et de lutte. Tandis que pour Emmy Wolff nous étions sur une tonalité plus intime: elle était jeune femme indépendant et courageuse, et elle a vécu la guerre dans la clandestinité avec sa famille avant leur arrestation.

Sachant que notre lycée a un partenariat avec une école en Allemagne, nous avons choisi de travailler sur des déportés d’origine allemande ou autrichienne. Cela nous permettait de créer du lien entre les classes des deux pays.

De quelle façon avez-vous travaillé avec cette école allemande?

Les élèves ont réalisé un voyage de six jours là-bas. Nous avons été accueillis dans cette école de la ville de Stendal, en Saxe-Anhalt. Les élèves allemands nous ont aidé à accéder à des sources en langue allemande et nous ont donné des éclairages sur les informations dont on disposait déjà, ce qui était passionnant. Et puis il y a eu une mise en commun du travail et les élèves ont pu finaliser les biographies ensemble.

Les deux classes se rencontrent

Avec quelles classes travaillez-vous sur le projet?

Deux classes sont actuellement investies sur le projet: la classe de Première « Europa » et la classe de Seconde « médias européens ».

Quel est le principe de cette classe « Europa »?

C’est une initiative de notre part qui s’inscrit dans le programme Jean Monnet: son but est de permettre aux élèves de mieux comprendre l’Europe, son histoire et ses valeurs. Le cursus prévoit douze modules, dont l’histoire ou l’environnement. Lorsqu’on nous a parlé du projet Convoi 77, on a décidé de l’intégrer au cursus avec mes collègues Sylvain Coatleven (lettres-histoire), Anne Esnon (professeure documentaliste), Natacha Bloin (art appliqué) et Dominique Leroux (lettres-histoire).

Quelle a été votre approche dans ce projet?

Notre but est de faire de ces élèves des citoyens. Ils doivent comprendre quels ressorts peut utiliser un régime fasciste dans ses volontés de contrôler et de discriminer. De fait il y avait aussi un écho avec l’actualité, l’enjeu était donc de constituer un bagage critique. La résistance au fascisme n’est pas terminée.

Et puisque les témoins disparaissent au fur et à mesure, nous voulions que les élèves soient des passeurs de mémoire.

L’objectif était donc travailler sur la mémoire mais sans négliger de d’étudier les mécanismes de l’antisémitisme dans le IIIe Reich. Les élèves ont réalisé une fresque de quatre mètres par trois qui présente le régime nazi, ses composantes, ses objectifs, ses personnalités… La fresque forme un parcours pour comprendre l’ensemble du processus: Nuremberg, Wansee, les ghettos, jusqu’aux camps et aux centres d’extermination. Elle contient du texte mais aussi des photographies et des dessins réalisés par les élèves.

Fresque réalisée par les élèves au cours de l’année.

Et aussi, nous avons emmené les élèves en voyage au mois de mars. C’était un vrai périple qui nous a menés de Nuremberg à Berlin, Terezín, Prague, Cracovie, Auschwitz et Dachau. 5000 km de parcourus en douze jours! Tout le sujet de la mécanique nazi a bien été étudié, de la propagande à la violence.

Comment les élèves ont-ils été acteurs dans ce projet?

Les élèves ont mené un énorme travail pour retrouver des membres des familles des déportés. Cela a été payant: ils ont pu interviewer le neveu d’Emmy Wolff qui l’avait connue. Si nos élèves savent réaliser des interviews, c’est grâce à des personnels de l’école de journalisme de Tours qui sont intervenus au fil de l’année dans la classe « médias ». Le projet Convoi 77 leur a permis de mettre en pratique cela: quand les élèves ont été reçus au Parlement du Land de Saxe-Anhalt, ils ont réalisé des interviews de personnalités politiques et d’associations. Ils ont aussi réalisé l’interview de Lili Leignel, déportée revenue des camps, qui a bien voulu leur accorder un entretien en marge de sa venue à Saint-Pierre-des-Corps pour une conférence.

Quelle forme a pris la production réalisée par les élèves?

On s’est dit avec les élèves qu’un seul support ne suffirait pas. Alors en plus de la fresque, nous avons réalisé un journal et un film. Nos collègues allemands aussi ont travaillé sur un journal écrit, enregistré des capsules numériques avec des témoignages, et réalisé une exposition. Au début, on ne s’était pas imaginés que cela prendrait une telle ampleur.

Aurez-vous terminé ces biographies cette année?

Tout à fait. Les archives du Rhône nous ont tout récemment apporté de nouveaux documents qu’on va pouvoir intégrer. Les dernières zones d’ombre sont en train de disparaitre.

Je signale aussi qu’un film va voir le jour, grâce à notre partenariat avec l’école de journalisme. Il retracera l’ensemble du projet. Il est construit en trois chapitres: comprendre, transmettre, réfléchir. Ce film, qui est en cours de montage, sera présenté le 17 septembre prochain à Paris, au sein de L’Europa Expérience. Ce sera l’occasion d’une restitution de tout le travail des élèves puisque nous présenterons officiellement les biographies ce jour-là.

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