Le monument à Bernard Lazare réinstallé à Nîmes

Détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, le monument en hommage à l’intellectuel Bernard Lazare vient d’être réinstallé à Nîmes.

 

En 1908, dans les jardins de la fontaine, à Nîmes, la municipalité inaugure un monument à la mémoire de Bernard Lazare, décédé cinq ans plus tôt. Cette cérémonie est perturbée par une contre-manifestation de l’Action française (voir notre encadré ci-dessous). À plusieurs reprises, le monument est vandalisé et, en 1942, il est démonté et détruit.

Pourquoi ce monument a-t-il été ainsi la cible d’individus haineux? Parce que Bernard Lazare représente tout ce que détestent l’extrême-droite et le régime de Vichy: un individu attaché aux droits de l’homme et un journaliste œuvrant pour la liberté d’informer, un intellectuel engagé et un penseur anarchiste. Plus encore, Bernard Lazare était issu d’une famille juive. Il a publié en 1894 un ouvrage remarqué, L’Antisémitisme, son histoire et ses causes. Il fut l’un des premiers à défendre le capitaine Dreyfus lorsque ce dernier fut accusé à tort. Même si Bernard Lazare se définissait comme athée, son appartenance à une famille juive et son engagement contre l’antisémitisme expliquent pourquoi des antisémites se sont attaqués à sa mémoire.

Carte postale du monument original érigé en 1908

La renaissance d’un monument disparu

Depuis 2023, le collectif nîmois Histoire et mémoire milite pour la reconstruction du monument. « Ce projet de reconstruction vise à redonner à Bernard Lazare sa place dans l’espace public et dans la mémoire collective. Ce premier Dreyfusard a été injustement oublié, » plaide David Storper, président du collectif.

Le nouveau monument a demandé de longs mois de travail à l’atelier Jean-Loup Bouvier. Pour le reconstituer, les sculpteurs se sont appuyés sur des clichés photographiques et des cartes postales de l’ancienne sculpture. Ils ont reproduit le monument à l’identique et dans le même matériau que l’original. Haut de six mètres, il comporte un buste de Bernard Lazare ainsi qu’une allégorie de la vérité brandissant une torche enflammée, symbolisant les engagements et l’œuvre de celui-ci.

« L’espace des Jardins de la Fontaine est dédié aux écrivains nîmois : Jean Reboul, catholique, monarchiste écrivant en provençal ; Antoine Bigot, protestant, républicain écrivant en occitan et Bernard Lazare, journaliste, juif, anarchiste écrivant en français. La réinstallation de sa statue permettrait de reconstituer la triade de ces Grands hommes littéraires de notre ville. » peut-on lire sur le site de la Fondation du Patrimoine.

Une réplique de taille réduite de ce monument pourrait prochainement être exposé à Paris, place Bernard Lazare (3e arrondissement).

 


 

L’Action française est une organisation royaliste, nationaliste et antisémite, considérée dans l’entre-deux guerres comme une ligue d’extrême-droite, puis ralliée à Vichy. Son idéologie est fortement marquée par la pensée de Charles Maurras. Les membres de l’Action française ont vandalisé plusieurs statues de grandes figures républicaines ou dreyfusardes. En 1909, ils ont coupé le nez de la statue de Bernard Lazare pour l’offrir à Charles Maurras. Voici ce qu’en disait ce dernier: « je garde encore dans un tiroir le précieux nez du juif Bernard Lazare que les dreyfusards avaient statufié à l’entrée du jardin de la Fontaine à Nîmes » (L’Action française, 19 juin 1943, p. 2)

Aucun commentaire

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

hébergement Umazuma - OVH

Se connecter

Oubli de mot de passe ?