Convoi 77 est partenaire de l’association « les Clionautes », un mouvement de professeurs d’histoire et géographie. Entretien avec Deborah Caquet, professeure en lycée à Gif sur Yvette et présidente de l’association.
Pouvez-vous nous présenter les Clionautes ?
C’est une association qui a été fondée en 1998. Au début, elle accueillait des professeurs qui souhaitaient adapter l’enseignement d’histoire géographie aux nouvelles technologies et notamment à Internet. Le nom vient de « Clio », la muse de l’histoire dans la mythologie grecque, et « naute », en référence à internaute.
Aujourd’hui, nous proposons des contenus pédagogiques en ligne à destination des professeurs et des enseignants stagiaires. Nous offrons par exemple des cours que nous mutualisons, une variété très importante de comptes-rendus d’ouvrages sur l’histoire, la géographie, la géopolitique, la sociologie, l’éducation… Nous constituons des dossiers documentaires en rapport avec l’actualité, comme par exemple sur les retraites (avec toujours un spectre « histoire »). Nous proposons enfin des fiches de lecture et du soutien pour les candidats aux concours enseignants. Nous sommes ouverts à énormément de choses.
Près de 2 000 professeurs participent à l’association. Elle a un rayonnement national mais aussi international car de nombreux collègues travaillent dans des lycées français à l’étranger.
Y a-t-il, selon vous, une nécessité de réfléchir à d’autres manières d’enseigner la Shoah?
Oui tout à fait. C’est toujours un sujet difficile à aborder en classe. Quand on projette un documentaire, que l’on soit élève ou professeur, il est très dur de ne pas se laisser déborder par l’émotion. Quand on étudie les ghettos, la déportation ou l’extermination elle-même, on ne peut pas le faire de façon détachée. Les élèves arrivent en classe avec certaines représentations. Ils ont vu des films, en ont entendu parler et expriment le besoin de se voir confirmer ou non certains aspects de la Shoah.
Au delà, il y a un enjeu éminemment civique à étudier la question du génocide. Toutefois, cette dimension ne doit pas laisser croire que le cours est un prétexte à une leçon de morale. Cela reste un cours d’histoire où l’on parle de sources, de recoupements documentaires, de la place des témoins. À l’heure où le négationnisme est toujours là, cette dimension est essentielle.
Ce n’est pas évident de trouver le bon ton. En fonction des classes et des âges, ce qui fonctionnera avec les uns, pourra échouer avec les autres. Nous avons donc besoin d’actualiser régulièrement nos pratiques.
Qu’est-ce qui vous paraît intéressant dans le projet Convoi 77?
Le projet de Convoi 77 a tout de suite fait sens pour nous parce qu’il répondait à plusieurs objectifs pédagogiques différents. Il permet d’éviter par exemple un fonctionnement vertical où tout le savoir découle du commentaire de l’enseignant. Il oblige les élèves à être actifs et non passifs. Avec ce projet, ils participent vraiment à la construction d’un récit avec les matériaux de l’historien. Méthodologiquement parlant, c’est excellent.
Pendant de nombreuses années, l’invitation des survivants de la déportation dans les classes était un bon moyen d’évoquer le système concentrationnaire. Aujourd’hui, la triste réalité est que les survivants sont très âgés et ne sont plus en capacité de se déplacer. On peut certes accéder à des enregistrements mais ce n’est pas tout à fait comparable. Avec Convoi 77, il y a une démarche originale de restituer, d’une certaine façon, la voix de ceux qui ne sont pas revenus.
Et puis, la dimension européenne et collaborative est quelque chose qui nous a beaucoup plu au sein des Clionautes. La possibilité de pouvoir travailler avec des élèves venus d’autres pays de l’UE est une opportunité formidable.
Vous avez des projets en commun avec Convoi 77. Pouvez-vous nous en parler ?
Je réfléchis à l’organisation d’une table ronde au festival des Rendez-vous de l’histoire à Blois. Le thème de l’édition 2023 est « les vivants et les morts ». Il serait tout à fait envisageable de produire un atelier pédagogique commun pour donner la plus large audience possible à Convoi 77.
En réalité, nous souhaitons aider l’association au mieux car je ne connais pas un seul enseignant d’histoire géographie qui ne trouverait pas de sens à ce projet, sur les plans humain, scientifique et civique.