Maurice MINKOWSKI
Maurice/Moszek Minkowski est né le 8 janvier 1925 à Przytyk (Pologne). La famille émigre en France en 1927 via l’Allemagne et l’Autriche. Maurice est le cinquième de six enfants[1].
Sur la photo ci-contre, Maurice Minkowski est à droite, Jérôme Skorka (Scorin) au centre et Maurice Benadon à gauche (la scène est sans doute dans le jardin de Régine Skorka épouse Jacubert en 1993, cf photo ci-dessous). (Note de Serge Jacubert)
Après l’invasion allemande, la famille quitte Paris pour St Maxime et revient finalement à Paris. Tous les hommes juifs sont convoqués et menacés en cas d’ « infraction » de voir leurs familles emprisonnées. Maurice Minkowski doit, avec son père, partir pour les camps de travail ; ils passent la semaine au camp et reviennent le dimanche à la maison. Fin 1941, le père est arrêté et tous les jeunes hommes emmenés.
Tous sont envoyés en 1941 au camp d’internement de Drancy. Après trois très mauvais mois, Maurice Minkowski fuit avec une de ses sœurs vers Toulouse, via Marseille, et passera là un an dans un petit village des environs (Couiza). Ils se procurent des faux papiers et vivent ainsi comme des nomades. Il reçoit des nouvelles de sa mère qui, à Paris, voit de la fenêtre de leur appartement comment femmes et enfants sont déportés. Elle cachera alors ses enfants dans la cave. Plus tard, elle partira pour Lyon, avec ses enfants. Maurice Minkowski s’y rend également en 1944, où il se rallie à un groupe de jeunes des Jeunesses communistes juives du FTP-MOI [ndt: mouvement des Francs-tireurs et partisans et main-d’œuvre immigrée] et participe à des actions de résistance.
Le groupe est dénoncé par une femme, ils sont arrêtés par la police allemande le 15 juin 1944 et conduits à la Kommandantur de la Gestapo à Lyon, Place Bellecour. Interrogé par Klaus Barbie, Maurice Minkowski tente de protéger sa mère en faisant de fausses déclarations. Il est alors conduit à la prison du Fort de Montluc, dans un baraquement extérieur réservé aux hommes juifs. Une fois Montluc « déjuivé », il est à nouveau envoyé à Drancy, le 15 juillet 1944, avec l’une de ses sœurs et son groupe de résistants. Lequel ayant appris entre-temps le débarquement des Alliés sur les côtes normandes, est à nouveau plein d’espoir et entonne des chants révolutionnaires. Maurice Minkowski passera près d’un mois à Drancy. Il est ensuite envoyé par bus à la gare de Bobigny. Sa jeune sœur n’est pas déportée, grâce aux faux papiers qu’elle porte sur elle. Ce n’est pas le cas en revanche de sa sœur aînée (Clara Yvette?), qui sera déportée par le convoi 77. Maurice Minkowski ne suivra heureusement pas le conseil de sa sœur qui lui recommandait de se rallier à un groupe de Nord-Africains ; il choisit de rester chez ses amis, parmi lesquels se trouvent un certain Dave, le petit Charles, Edi et Henri[2]. Leur „Chef“, „le Grand Robert“[3], un ancien de la guerre d’Espagne et membre bien connu de la Résistance à Toulouse, a tout préparé pour s’échapper du train. Ils forment des petits groupes de trois et préparent leur wagon de marchandises. Grâce à une scie dissimulée dans un morceau de pain, ils scient un trou dans le plafond. Soudain le train s’arrête. Le groupe de Nord-Africains a fait une tentative de fuite et s’est fait remarquer. Leur wagon est identifié et eux obligés de se déshabiller complètement. Lors de la sélection à Auschwitz tous sont partis à gauche[4]. Les Allemands fouillent alors l’ensemble du train. De peur d’être découvert, le groupe qui s’est donné pour nom Robert, bouche le trou qu’ils ont scié, avec du pain. Leur tentative de fuite a échoué. Après quatre jours de transport, ils arrivent à Auschwitz-Birkenau: « l’arrivée, c’était l’enfer » [ndt: en français dans le texte]: sélection, douche, tatouage du matricule (B 3870). Il est envoyé au bloc 2 destiné aux tailleurs et ouvriers spécialisés dans la construction des routes. Il demande après son père et reçoit pour toute réponse qu’il est « parti »[5].
Le 16 octobre 1944, il est déporté d’Auschwitz vers Stutthof (matricule 99 792), puis vers Hailfingen (matricule 40 759) en novembre 1944. Il est employé aux travaux de construction d’une piste d’atterrissage et de voies de circulation. Ils n’arrêtaient pas de toute la journée, fondant le ciment à la main qui ne devait surtout pas geler. Ils subissent les attaques des chasseurs-bombardiers alliés. En fin d’année, il perd son ami Henri[6], malade de la dysenterie, qu’il avait tenté de soigner en lui donnant du charbon. C’est la seule fois qu’il pleurera: „C’était la seule fois que j’ai pleuré“ [ndt: en français dans le texte]. Il refusait de travailler, ce qui lui avait valu d’être battu par le Kapo. C’est à partir de ce moment-là qu’il est tombé malade, il se sentait comme un mort vivant, cessa de lutter et demanda à être envoyé au camp des malades de Vaihingen/Enz, tout en sachant très bien que cela pouvait signifier sa mort. Le convoi arrivera le 14 février 1945 à Vaihingen.
A Vaihingen, il attrape le typlus. L’aspirine qu’il échangeait contre du pain, le sauvera. Il recouvre la santé. Le 6 avril 1945, il est déporté de Vaihingen vers Dachau et conduit au bloc 19. A la libération du camp le 29 avril 1945, il ne pesait plus que 29 kg. Il avait passé un mois dans une caserne de Dachau.
Le 29 mai 1945, Maurice Minkowski revient en France. Arrivé à Lyon de nuit, il se rend directement de la gare à l’appartement de sa mère. Elle n’ouvre pas, lui faisant craindre qu’elle ne soit plus là. Elle l’avait attendu tous les jours à la gare et voilà qu’à son retour, elle dormait d’un profond sommeil.
Maurice Minkowski épouse Marcelle Kiselman, née le 21 mars 1926. Elle avait été condamnée en 1942 à Paris pour avoir mené des actions pour le compte de „la IIIe internationale communiste“ [ndt: en français dans le texte]. En 1996, le couple vivait à Fontenay-sous-Bois dans le département du Val de Marne.
La vidéo tournée par l‘USC Shoah Foundation à Fontenay-sous-Bois avec Maurice Minkowski date du 3 novembre 1996.
Le Grand Robert [ndt: en français dans le texte]
Dans l’interview qu’il accorde à l‘USC Shoah Foundation, Maurice Minkowski donne les prénoms de ses amis: Dave, Charles, Edi et Henri. Et leur « Chef », « le Grand Robert ». En mai 2008, Nancy Lefenfeld recherchera dans la liste des déportés du convoi 77: « J’ai essayé de trouver qui pouvait être le fameux Chef Robert, mais en vain. 16 personnes se prénommant Robert… se trouvaient dans le convoi 77 quittant Drancy pour Auschwitz ».
Aux questions posées dans une revue de l’UJRE [ndt: Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide], Alain Fort répondit: « Le grand Robert, c’était Joseph Wachspresse, alias Robert. Il était de taille très élevée. Il a été arrêté par la Gestapo, à Agen, dans le département du Lot et Garonne. Torturé puis déporté. (…) il est rentré en France en 1945. Il habitait Montreuil où il est mort en 2002 » [ndt: en français dans le texte].
Le „troisième“ homme, c’était Jérôme Scorin (voir biographie de Jérôme SKORKA). Déporté-Résistant. Membre de l’UJJ Zone Sud (ndt: Union de la Jeunesse Juive), chevalier de la Légion d’honneur… Jérôme Scorin et sa sœur (Régine SKORKA) n’ont pas été arrêtés à Lyon, en juillet 1944, en tant que Juifs, mais en tant que résistants, après une dénonciation… Après avoir découvert qu’ils sont Juifs, les Allemands expédieront Régine et Jérôme à Auschwitz par ce même convoi 77,.
Jérôme Scorin: A Lyon, je me suis d’abord inquiété de Maurice Minkowski (rencontré dès le fort de Montluc). Je l’ai retrouvé ainsi que toute sa famille: sa mère, ses cinq sœurs et un frère. (…) Yvette a été libérée de Drancy. Le père, déporté en 1942, n’est pas revenu… Vers le 10 juillet, pris en charge par le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, je me suis rendu dans une Maison de Repos à la Chaux-des-Crotenay, près de Champagnole, dans le Jura. J’y suis resté deux mois. … Maurice Minkowski m’a rejoint à cette Maison de Repos[7] [ndt: en français dans le texte]
Sources :
- Registre
- Non répertorié dans la liste des déportés par convoi
- Archives du Mémorial de Vaihingen/Enz, cote 1867
- Liste d’entrée à Vaihingen-Dachau/Allach (cf. Service international de recherches ITS)
- USC Shoah Foundation à la mémoire des victimes de la Shoah, interview du 3 novembre 996, Code 22 223, la photo en est extraite.
- Administration du district de Düsseldorf: dossiers d’indemnisation des survivants du camp annexe de Hailfingen, Archives de Düsseldorf 613071 et 654007: Moszek Minkowski
http://bdi.memorialdelashoah.org/internet/jsp/core/MmsRedirector.jsp?id=40535&type=VICTIM# - Maurice MINKOWSKY né le 08/01/1928 à PRZYSYK. Déporté à Auschwitz par le convoi n° 77 au départ de Drancy le 31/07/1944. Habitait au 25, rue Paul Bert dans le 3ème arrondissement à LYON. (France) Est inscrit sur le Mur des Noms [ndt: en français dans le texte].
[1] Henri Minkowski, né le 12/12/1921 à Przytyk, déporté le 02/03/1943 vers Auschwitz par convoi 49, est bien son frère (MCDC).
[2] Henri, Charles et Dave meurent à Auschwitz (interview accordée à l´USC Shoah Foundation).
[3] « C’était Joseph Wachspresse, alias Robert. Il était de taille très élevée. Il a été arrêté par la Gestapo, à Agen, dans le département du Lot et Garonne. Torturé puis déporté. Pas réussi à savoir par quel convoi. Hypothèse: il n’a pas nécessairement donné sa véritable identité et peut donc avoir été déporté sous un faux nom. En tout état de cause, il est rentré en France en 1945. Il habitait Montreuil où il est mort en 2002 » (Alain Fort, 15/08/09) [citation en français dans le texte]
[4] Cf. Georges Harden, cité par Serge Klarsfeld, p.585 [ndt: en français dans le texte]
[5] Abram/Avraham Minkowski, né en 1892; déporté vers Auschwitz le 29/07/1942 par convoi n°12. Habitait au 30, passage Charles Dallery dans le 11ème arrondissement à PARIS. (France) (source: CJDC)
[6] Il s’agit vraisemblablement de Henri Manowicz (cf. ci-dessus), mort à Hailfingen le 29 décembre 1944
[7] Jérôme Scorin: L’itinéraire d’un adolescent juif de 1939 à 1945, Nancy 1994, pp. 177
En complément : La biographie d’Esther MINKOWSKI
This biography of Maurice MINKOWSKI has been translated into English.
La sœur de Maurice qui est déportée en même temps que lui se prénommait Esther.
« C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Maurice Minkowski, âgé de 95 ans, le 13 décembre 2020. Maurice Minkowski était résistant dans les Francs Tireurs et Partisans (FTP). Il a été déporté à Auschwitz dans le dernier convoi parti de Drancy, le 31 juillet 1944. » CRIF
http://www.crif.org/fr/node/82112?fbclid=IwAR3QCWtA4YGoqREv2XdB1TAV112XCvyiwBfXyiZH5EuAmfbZySqToePaTz4
Joseph Wachspress, alias le ‘Grand Robert’ et ancien de la brigade Marcel-Langer, était dans le même convoi 77 que Maurice et Esther Minkowski. Il avait comme fausse identité celle de Georges SIEGELBAUM ; il était passé par Compiègne, après Montluc, avant d’arriver à Drancy. Il est mort à Aubervilliers en 2002.