Simone ZUCKERMANN

1926-2012 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: , , , ,

Simone ZUCKERMANN

Ci-contre : Simone à 19 ans, à son retour des camps en 1945
© archives Mémorial de la Shoah/Adeena Horowitz

Simone Zuckermann, née le 10 juin 1926, est décédée en 2012 à l’âge de 85 ans. Pour raconter sa vie et celle de sa sœur Georgette, disparue en 2022, nous avons imaginé de les faire dialoguer. La voix de Simone, nous la connaissons bien puisqu’elle a enregistré son témoignage il y a plus de vingt ans, en anglais, aux États-Unis où elle vivait : nous avons largement repris ses propres mots, nous les avons juste traduits en français. Quant à Georgette, elle ne nous a pas laissé de récit de sa vie : pour écrire sa voix, il nous a donc fallu recouper toutes les informations que nous avions sur elle et espérer être le plus proche d’elle qu’il nous était possible.

Leur famille

La famille de Simone et Georgette Zuckerman était originaire de Russie. Leur père est arrivé en France avant la Première guerre mondiale à laquelle il a participé en s’engageant volontaire au 2e Régiment étranger. Caporal, il fut décoré de la Croix de guerre 1914-1918.

La « zone de résidence autorisée aux juifs », à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, était une particularité de l’empire Russe et de son antisémitisme. Les parents de Georgette y sont nés, son père à Minsk, et sa mère au nord de la province de Wilna, où 12,90 % de la population était juive.
Carte de la zone de résidence tirée de la Jewish Encyclopedia, 1905, vol. 10, art. « Russia » © wikipedia

Nevakh Zuckermann a obtenu la nationalité française par le décret de naturalisations d’engagés du 14 novembre 1923. A cette époque, il habitait à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine), il avait un fils, Villy, né en 1911 de sa compagne Angeline Yalvcher. Ce premier enfant mourut en 1933 à Bitche (Moselle), à 22 ans, alors qu’il était militaire. Il n’est pas certain que les sœurs l’aient jamais rencontré, voire même qu’elles aient connu son existence.

Nous avons très peu d’éléments sur la seconde compagne de Nevakh, Fania Ifliandik, la mère de Simone et Georgette. Elle serait née elle aussi en Russie en 1898, 1899 ou 1900. Selon les documents, elle apparait comme russe ou comme polonaise. Nous ne savons pas non plus quand elle est arrivée en France, mais sa sœur aînée, Doba, s’était mariée à Paris en 1913.

En tout cas, à partir de 1931, la famille Zuckermann vit au 25 impasse de la Couture d’Auxerre à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) où Nevakh exerçait le métier de tôlier. Les deux sœurs, Simone et Georgette, sont nées à Paris, la première le 10 juin 1926 et la seconde le 15 août 1928 (toutes deux dans le VIIIe arrondissement où se trouvait alors la maternité de l’hôpital Beaujon).

 

Arbre généalogique des sœurs Zuckermann

 

Leur enfance

Georgette : Simone, j’ai pensé hier que jamais je n’ai eu de joies similaires à celles de mon enfance.

Simone : Ah, te souviens-tu, du lotissement dans lequel nous habitions à Gennevilliers, de notre maison dans cette rue dont j’ai oublié le nom, peut-être que tu t’en rappelles, toi ?

Le registre de recensement de la ville de Gennevilliers en 1931. Sur ce document, Fania n’apparait pas comme russe mais comme polonaise. Comme sa sœur Deba, elle était modiste.

Georgette : Nous vivions 25, impasse de la Couture d’Auxerre si mes souvenirs sont exacts.

Simone : Toutes ces constructions élevées sur les champs… Nous avions emménagé dans ce complexe de petits pavillons gris, perdu au milieu de la campagne, dans le style de l’époque, avec leurs murs en béton et pierre, leur toit d’ardoise en triangle. C’était le symbole d’une certaine réussite à l’époque, celle de la classe moyenne.

Georgette : Bien sûr que je m’en rappelle, mais ce n’était pas si brillant …

Une rue du même quartier de Gennevilliers du temps où Georgette et Simone y vivaient, on voit bien que les maisons étaient alors très récentes. L’impasse de la Couture d’Auxerre est devenue la rue Jules Vallès. Source : www.gennevilliers-tourisme.com

Simone : C’était un village devenu une zone industrielle, je sais.  Pourtant il y avait encore des fermes, des cultures des choux, des salades, des carottes.

Georgette : Je me rappelle, les fermes avaient encore une écurie pour un ou deux chevaux, le hangar pour le matériel agricole et les charrettes.

Simone : Et au printemps, tu te souviens, les rangées de châssis et de cloches en verre qui servaient de cibles aux gamins du quartier.

Elles rient.

Georgette : Nous vivions à côté de la zone, honnêtement, nous n’habitions pas dans un si bel endroit. Je me rappelle que Gennevilliers était surnommée « Gadouville les eaux grasses » parce que c’était là qu’on vidait les eaux usées de Paris. L’été, ça ne sentait pas très bon… Mais bon, pour moi, pour nous, c’est surtout le lieu, l’endroit de nos jours heureux, de nos heures d’insouciances, de notre belle jeunesse. Te souviens-tu, quand, dans le salon nous cherchions à voler le journal pour le lire ensemble, bien que l’on n’en ait pas le droit. Le jeu en valait bien la chandelle, on ne se faisait jamais vraiment gronder. Et puis, te rappeles-tu encore, ces grandes allées bétonnées sur lesquelles nous courions avec nos amis. Elles étaient larges et nos parents n’avaient pas peur que nous nous fassions renverser par les rares voitures qui circulaient là… Rien à voir avec aujourd’hui !

Simone : Nous n’étions pas bien loin de notre école. Tout le long du chemin, nous retrouvions nos amies. Après, quand nous avons grandi, le lycée était bien plus loin. Ma matière préférée était les maths, j’ai suivi un cursus scientifique (en 1940 on parlait de lycée « moderne » par opposition au lycée « classique » où on étudiait latin et grec). Et puis la guerre a tout interrompu…

Photo du groupe scolaire Pasteur où nous supposons que les filles auraient passé leur scolarité, en effet ce serait le seul groupe scolaire à Gennevilliers à l’époque et elles habitaient à 10 minutes de cette école. Source : www.gennevilliers-tourisme.com

Simone :  Et puis, les deux hangars attenants à la maison, où notre père travaillait avec ses ouvriers, une dizaine. J’ai encore en mémoire le bruit de leurs outils tapant sur la tôle des voitures en journée… Ce petit atelier nous permettait cependant de faire partie de la classe moyenne, et le travail de métallurgiste de notre père nous permettaient de vivre plutôt aisément … ensemble.

Sur cette photo aérienne de 1943 on voit la maison des filles avec ce qui serait l’atelier de leur père (entouré en rouge). © IGN-Remonter le temps

Georgette : Nous menions une vie sûre. Mais nous n’étions pas aussi fortunés que nos cousins pharmaciens à Paris, les Guinzbourg …

Simone : Te rappelles tu de nos cousins, Joséphine, Pierre et Yves ?

Sur la photo à gauche datant de la Première guerre mondiale, on voit l’oncle Jacques avec sa femme, Deba (la sœur ainée de Fania Ifliandik) et leur fille Joséphine, la photo doit dater de 1915 ou 1916. A droite, en 1926, avec Joséphine, Pierre et Yves (qui a le même âge que sa cousine Simone) © Geneanet.org

Georgette : Dans notre enfance, non pas tellement, on ne les voyait pas régulièrement, nous étions à Gennevilliers et ils habitaient à l’autre bout de Paris, dans le XIIIe arrondissement. Ensuite, évidemment, quand j’ai habité chez notre tante en 1945, je les ai revus.

Simone : Oui mais avant-guerre ? Tu sais, l’oncle Jacques avait participé à la Première guerre mondiale avec papa. C’est comme ça qu’ils ont eu la nationalité. Et puis, lui, il a été déporté vers Auschwitz par le tout premier convoi.

Les deux sœurs s’interrompent.

Georgette : En tout cas, te souviens-tu : nous étions bien chanceuses de partir en vacances sur la côte avec la famille.

Simone : Oui, enfin ce n’étais pas non plus une habitude, je ne me rappelle que d’une seule fois nous où nous sommes allés à la mer. Nous sommes allées sur la plage toutes les deux … Nous avons marché sur le sable brûlant. C‘était un privilège à l’époque, et nos parents ont essayé d’en profiter.

Photo de vacances de la famille de Georgette et Simone. On ne sait pas où la photo a été prise, les deux hommes sont leur père, Nevakh, avec la chemise blanche, tandis que l’autre homme serait un oncle ou un cousin. On ne sait pas non plus qui sont les deux filles à l’arrière-plan : nous avons d’abord cru que c’était les deux sœurs Zuckermann, mais cependant, selon la fille de Simone, ce serait juste deux inconnues. © archives familiales Horowitz

Georgette : C’était si beau. En général, nous ne manquions jamais de quelque chose et certainement pas d’amour. Notre vie était belle… Nous vivions là heureuses mais tout cela a dû prendre fin lorsque j’avais 10 ans …

Simone : Et comment, Georgette pourrais-je oublier cette période ? D’accord, elle était belle… mais pour moi si vide. C’était beau certes, mais cela n’avait pas de sens. Je vivais sans tout savoir, sans me connaître. Nous vivions en pensant que certaines choses étaient comme elles étaient, et que nous n’avions pas à nous en soucier. Je savais que je n’étais pas chrétienne, mais est-ce que l’on se définit par ce que l’on n’est pas ? Je vivais heureuse mais ne savais pas pourquoi j’étais là avec mes parents mais loin de mes origines. Pourquoi fallait-il qu’ils parlent russes parfois alors que nous étions françaises, nous n’avions aucune explication sur d’où l’on venait. Pourquoi nos parents n’avaient pas la même nationalité que nous, nous étions bien françaises toutes les deux mais pas notre mère c’est pourquoi elle est partie aussi tôt à Auschwitz. Elle était russe tout comme notre père, enfin il me semble.

Georgette : Oui, russe ou polonaise, nous n’avons jamais bien su. Sinon, c’est vrai, notre père avait été naturalisé en 1933, lui…

Simone : Peut-être que papa t’avait dit quelque chose avant, à toi … Je ne sais pas. Mais le jour j’ai su que j’étais juive, en novembre 1938, je me suis sentie libérée. Je me demande toujours pourquoi nos parents ne m’ont pas sorti de cette ignorance plus tôt. Notre enfance te semblait belle mais elle était mensongère, on ne peut pas être heureux sans savoir qui l’on est vraiment. Il me manquait des racines pour pouvoir me développer, me construire. La découverte de la judaïté a été même plus que ça, c’était une deuxième naissance …

Portraits de Nevakh Zuckermann et de Fania Ifiandik © archives familles Horowitz

 

Georgette : Simone, je ne pense pas comme toi… Notre vie était super… Nos vacances à la mer… Tous ensemble, avec notre père. Et je pense qu’il a toujours eu raison de s’éloigner de cette judaïté … Il voulait nous éviter ce que lui avait connu, l’antisémitisme. Maman et lui, là-bas en Russie, ils avaient connu la violence, les discriminations…

Simone : Oui, les pogroms même, c’est bien pour cette raison qu’ils ont émigré.

Georgette : Si nous n’avions jamais été juives, nous ne serions jamais allés à Auschwitz, notre mère ne serait pas morte … Nous serions avec notre père, il était si gentil… Comme il m’a manqué et me manque toujours. Il a toujours voulu nous éviter les problèmes, il avait raison. Je sais qu’avec les scouts juifs tu as trouvé une famille, que vous étiez ensemble en résistance, que le judaïsme a été une découverte pour toi. Mais moi, jamais je ne me remémorerais avec plaisir la découverte de nos origines juives, elles nous ont enlevé nos parents.

Simone : Oui — comme tu aimais ton père, et comme il t’aimait, toi la petite sœur. Tu as toujours été sa préférée. A ses yeux, tu étais la meilleure, la petite dernière. Mais tu as raison, j’ai trouvé une autre familiale, même si jamais je ne me suis remise de la mort de nos parents.  J’ai perdu une famille mais j’en ai gagné une autre. Avec les scouts juifs nous étions ensemble, nous distribuions des tracts, nous nous aidions les uns les autres, sans préférence, sans favori. Notre groupe a aidé d’un précieux secours pour de nombreuses personnes, nous aidions à cacher des enfants, à les sortir de Paris, nous distribuions des faux papiers, car nous avions le matériel. Notre groupe était actif… mais ce n’étais pas de la résistance. Ensemble, il est vrai que nous avons traversé cette période, mais nous ne résistions pas, nous faisions des choses collectivement, des choses qui nous semblaient justes. Et j’aurais trouvé juste d’être traitée comme toi, j’aurais trouvé juste de connaître mes origines, j’aurais trouvé juste de pouvoir être juive dès mon enfance !

Georgette secoue la tête.

Georgette : Tu me reproches des choses qui ne sont pas de mon fait. Tu as toujours eu un fort caractère, et certainement notre père avait du mal avec ça. Mais je peux comprendre que cela n’a pas été facile pour toi, même si je n’avais pas l’impression que tu en souffrais. Dans mon souvenir tu allais bien… Tu aimais l’école et tes cours de maths, tu étais plutôt brillante. Vous n’étiez pas beaucoup de filles à faire le cursus « moderne », tu as pu commencer des études de médecine quand tu es revenue d’Auschwitz, ce n’est pas si courant… Ton enfance n’était pas si horrible !

Simone : Mon caractère…

 

 

A Paris sous l’occupation allemande

Simone : Tu te rappelles de l’occupation ?

Georgette : Oui…tout le nord de la France était occupé quand les Allemands sont
arrivés à Paris.

Simone : Le 14 juin leurs drapeaux étaient sur la Tour Eiffel et ils défilaient
fièrement dans Paris, ça a été un moment très dur.

Le drapeau nazi flotte sur l’Arc de Triomphe, sans doute le 14 juin 1940. Paris apparaît presque vide (cliché anonyme © BPK, Berlin, Dist RMN – Grand Palais – image BPK)

Georgette : Manger devenait de plus en plus compliqué.

Simone : Oui il y avait des queues interminables, tu savais qu’un marché noir s’était
développé.

Georgette : Oui, et les cartes d’alimentation pour se nourrir. Ça me fait penser au
home d’enfants où j’étais monitrice ; ils fabriquaient des faux tickets pour pouvoir manger avec des tampons donnés par des complices de la mairie. Surtout nous les Juifs nous avions moins de tickets de rationnement, donc à part le marché noir…

Simone : Oui, les homes d’enfants de l’UGIF ; les nourrissons étaient à Neuilly, les moins de 5 ans à Louveciennes ; il y avait même des enfants bloqués sous le contrôle de la Gestapo. Il fallait organiser leur départ mais sans papiers c’était compliqué de les transporter jusqu’à la ferme-école.

Georgette : J’y étais à Louveciennes, j’y étais monitrice, moi, j’avais à peine quinze ans. Certains enfants avaient bien plus de 5 ans, il y en avait d’à peine plus jeunes que moi, de douze ou treize ans. Et tu te rappelles de cette scout, “topo” ?

Simone : Oui, elle nous a beaucoup aidé, elle était assistante sociale.

Georgette : Elle travaillait à la préfecture de police, elle nous annonçait les rafles pour qu’on cache les enfants. Elle-même, elle faisait passer la ligne de démarcation aux enfants en les confiant à d’autres scouts ; elle utilisait les cartes d’autres garçons du même âge.

Simone : Grâce à elle, plus de 500 enfants ont pu rejoindre Londres, l’Espagne ou
encore l’Afrique du nord.

Elles restent silencieuses un instant.

Georgette : Et puis il y a eu l’obligation de porter l’étoile jaune. Juin 1942, ce moment terrible.

Les sœurs ont été soumises à toutes les lois anti-juives. L’entreprise de leur père a été « aryanisée » et elles ont tout perdu (Simone a conservé toute sa vie le reçu de cette confiscation sans réussir à le faire valoir).

Sur ce document, nous pouvons voir qu’il y eut trois « administrateurs » successifs pour l’entreprise de Nevakh entre 1942 et 1944 
© Archives municipales, ville de Gennevilliers.

Les lois anti-juives étaient très strictes et elles ne pouvaient pas travailler ni sortir librement du fait du couvre-feu. Elles portaient l’étoile jaune mais quand Simone voulait sortir plus tard, après le couvre-feu, qui était de 8 heures du soir, elle mettait une veste sans étoile. Ce qui les a aidées, c’est que ni l’une ni l’autre des deux filles n’avaient « l’air juif », nous ont dit les filles de Simone, ce qui leur a permis de se déplacer largement dans Paris et sa banlieue après 1942 (et par exemple de faire du trafic de faux papiers pour aider des familles ou des enfants juifs, dans le cas de Simone).

Fania, la mère de Simone et de Georgette est arrêtée en juin 1942, quelques jours après l’obligation du port de l’étoile jaune et disparaît sans que ses filles aient pu savoir alors où ni comment.
Ces deux photos prises en couleur par le photographe André Zucca en 1942, à gauche rue de Rivoli et à droite rue des Ecouffes, dans le IVe arrondissement montrent des Parisiens portant l’étoile jaune, Fania aurait pu être l’une d’elles. André Zucca travaillait pour les Allemands, il bénéficiait d’une carte de presse, d’un laisser-passer et surtout, de pellicule Agfacolor. Il travaillait notamment pour le magazine collaborationniste Signal. © BHVP / Roger Viollet

 

 

 

 

 

 

 

Simone : Dis Georgette, toi, de quoi te souviens-tu des derniers temps avec maman ?

Georgette : De pas grand-chose. Nous n’étions déjà plus avec elle, je crois, en 1942, mais est-ce que nous étions déjà dans les foyers de l’UGIF, je ne me rappelle pas.

Simone : En 1942, elle a été arrêtée, en juin comme toutes ces femmes, juives et étrangères, je suppose qu’elle a été gazée à Auschwitz, comme la plupart…

Georgette : Étrangère ? Mais pourquoi donc n’était-elle pas française comme papa ?

Simone : Ils n’étaient pas mariés… S’ils l’avaient été, elle aurait pu prendre la nationalité de son mari, c’est la loi. Mais non, elle est restée russe, pour sa malchance.

Georgette : Tu te rends compte qu’avec notre père parti vers la zone sud, nous
étions seules à Paris depuis 1942 !

Simone : Oui, et si jeunes. Et il a fallu attendre notre retour des camps pour découvrir qu’il était mort.

Georgette : Il était résistant sans doute… et nous aussi, enfin toi surtout, à notre petite échelle. Tu te souviens des faux papiers ?

Simone : J’étais déjà rue Vauquelin, lorsqu’une Sixième section fut rajoutée au mouvement des Éclaireuses israélites, le Service Social des Jeunes, dont le nom de « code » était la « Sixième ». Yvette Dreyfus qui était avec moi, il me semble qu’elle avait 16 ans, avait été nommée responsable. Et moi j’appartenais à cette organisation clandestine qui fonctionnait dans le cadre de l’UGIF.

Georgette : A ce titre elle avait même bénéficié d’une « carte de légitimation », une
sorte de laisser passer donné par l’UGIF. Dans un premier temps le groupe récupéraient les enfants qui n’avaient pas été arrêtés lors de la rafle du Vél’d’hiv’. Des enfants qui étaient restés terrés depuis 3 jours, et qui ont été terrorisés en les voyant entrer car ils pensaient qu’on venait les arrêter…

Simone : Tout ça me désespère, la rafle a eu lieu un jeudi et les recherches méthodiques pour les retrouver n’ont commencé que le mardi suivant. Certains enfants étaient français mais beaucoup d’autres étaient nés de parents étrangers (polonais, allemands, autrichiens) et ne parlaient pas le français, c’était donc très compliqué.

Georgette : Toi et ton groupe, vous les avez conduits à « l’orpho », l’orphelinat rue Lamarck
dans le 18ème, c’était un ancien hospice créé par les Rothschild pour les clochards qui venaient y passer une nuit. Afin de mettre en sécurité ces enfants, il fallait leur fabriquer des actes de baptême, de faux papiers d’identité afin d’obtenir des cartes d’alimentation et les soigner. Il fallait trouver des cachettes pour les emmener vers la zone sud.

Simone : Oh oui, c’était notre devoir — toi, tu étais bien trop jeune encore. Tu as déjà entendu parler de ce faussaire de Paris, Adolfo Kaminski ?

Georgette : Oui, je crois bien que sa fille a écrit un livre sur lui… il avait commencé en 1943 pour aider les juifs de France pendant les rafles puis il a continué surtout pour les enfants, il s’était créé son propre laboratoire, même sa famille n’était pas au courant.

Simone : On en faisait aussi nous-même, tu sais, il fallait créer nos propres tampons… Notre expert à la « Sixième » s’appelait Sam Kugel. Il en a fabriqué une centaine, de ces tampons, rien qu’avec du lino et des gommes… Et quand ce n’était pas pour de faux papiers, c’était pour des tickets de rationnement, il en fallait pour pouvoir acheter à manger.

Elles se taisent à nouveau, et restent plongées dans leurs pensées.

Simone : Alors, pour maman…, tu sais aujourd’hui ce qui s’est passé, toi ?

Georgette : Je crois savoir qu’elle a été d’abord au camp de Beaune-la-Rolande, un camp construit par les Allemands pour y enfermer les prisonniers de guerre. Des centaines de Juifs, plus de 2700 je crois, ont quitté Beaune-la-Rolande en 1942, soit directement pour Auschwitz, en Pologne, soit d’abord pour Drancy — elle en faisait sans doute partie. On ne sait pas par quel convoi Maman fut transportée et sans doute gazée à son arrivée à Auschwitz en 1942… Elle figure sur la liste du convoi 451 mais ce 451 signifie qu’on n’en sait rien, c’est juste un numéro sous lequel on regroupe ceux qui n’ont pas laissé d’autre trace.

Simone : Maman, partie sans laisser de trace… Tous ces convois, je me demande si un jour nos petits-enfants en sauront un peu plus sur leur destin.

Georgette : Mais sinon, de 1942 jusqu’à notre transfert à Auschwitz, nous étions en contact avec notre famille, enfin, surtout avec notre tante. Les Allemands voulaient la forcer à avouer qu’elle était juive comme notre oncle Jacques, son mari, qu’ils avaient déporté par le premier convoi en 1942, mais elle était intelligente, elle a gardé la tête sur les épaules. Elle ne s’est pas laissé intimider et elle n’a pas été arrêtée : tout ça parce que son nom russe, Ifliandik, une fois transcrit, pouvait s’écrire autrement, avec des « u », des « e »…

Simone : Oui, s’écrire autrement et ne pas « sonner » juif… Je n’aime pas cette histoire. Ifliandik, c’est le nom de maman, le vrai nom de maman, le nom sous lequel elle était née… et qui l’a menée à Auschwitz.

Une jeune fille sérieuse et grave, Simone pendant la guerre (date inconnue) © archives familiales Horowitz

 

Arrestation

Simone : Tu te rends compte qu’à seulement quelques semaines près nous aurions pu être libérées en même temps que Paris…

Georgette : Oui, c’est sûr…

Simone : Tu te souviens de cette journée du 22 juillet 1944 ? Lors de notre arrestation ? Moi rue Vauquelin et toi, rue Louveciennes.

Georgette : Oui, je m’en souviens, c’était un matin d’été. Nous étions trente-quatre enfants et six monitrices, qui ont été raflés et plus tard déportés.

Simone : C’était le 22 juillet 1944, la chaleur était écrasante et nous étions tous fatigué. 350 enfants ont été amenés à Drancy ce jour-là. Et nous avec…

Georgette : Nous, nous avons été arrêtés le 22 aussi et emmenés à Drancy en camion bâché par quatre Allemands arrivés en traction noire. Je t’ai retrouvée là-bas.

Simone : Ce sont des Français qui m’ont emmenée, j’en suis certaine, des Français, même si les amies déportées avec moi m’assurent que ce n’étaient que des Allemands. Je me souviens très bien avoir vu ce policier français qu’ils appelaient Kap, et son uniforme bleu marine. Elles ne voulaient juste pas accepter l’idée que les Français étaient impliqués dans ce genre de disgrâce et donc blâmé les Allemands. Nous avons été arrêtés très tôt le matin, il faisait presque nuit.

Simone : Tout cela s’est passé si vite ! Les Allemands accompagnés de la Police française sont arrivés, et nous ont capturé ! Ils sont arrivés vers 5h du matin, ils ont sonné. Madame Kohn, notre concierge, a ouvert croyant qu’il s’agissait d’un résistant de passage venant chercher un refuge comme cela arrivait parfois. Une monitrice est venue nous réveiller en nous disant que les Allemands étaient là. Nous ne l’avons pas cru pensant à une mauvaise blague ; mais lorsque nous avons entendu leurs voix, la dure réalité nous rattrapa.

Georgette : La Gestapo ne nous a pas laissé le temps de prendre des affaires quelconques, elle nous a directement emmené à Drancy. Alors, de Louveciennes à Drancy, nous avons fait croire aux petites filles qu’on les emmenait faire une promenade en autobus… On a fait chanter les 150 enfants tout le long du chemin.

Simone : Oui, nous aussi, nous avons chanté dans les camions, la Marseillaise et l’Internationale. Il ne fallait pas se laisser abattre.

 

A Drancy

Lors de la rafle de Louveciennes, les enfants du centre ont été déportés, tout comme le directeur du centre et sa famille. Arrivés à Drancy le directeur, M. Louy, et sa famille furent libérés car considérés « non-juifs ». Peu après, le convoi n°77 emmena ces enfants et ceux d’autres centres de l’UGIF au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Tous les enfants déportés par ce convoi ont été assassinés dans les chambres à gaz à leur arrivée, et seules les monitrices et personnes plus âgées ont été employés dans les camps de travail : n’ont survécu que Georgette Zuckermann et Denise Holstein.
Sur ce document sont recensés les noms des enfants emmenés à Drancy. On voit la mention « Libéré le même jour » à côté des noms de la famille de M. Louy. Tout en bas se trouve aussi le nom du personnel, dont celui de Georgette Zuckermann. N’ont pas été emmenées à Drancy Paulette Szklarz (6 ans) qui était hospitalisée à ce moment-là, ni Martine Brust-Szwarcbart (6 ans aussi) sauvée par son frère de 15 ans, un résistant, en janvier 1944.
© Mémorial de la Shoah/Archives nationales de France

Georgette : Nous sommes restées du 22 juillet au 31 juillet à Drancy

Simone : Non, jusqu’à août… ?

Georgette : Mais le 3 on était à Auschwitz, je crois. Non, je t’assure, nous avons été déportées le 31 juillet.

Simone : Bon, nous y sommes donc restées environ huit jours.

Georgette : Nous étions logées à la première chambre de l’escalier sept. C’est comme ça que s’appelait la salle où on nous a parqués…

Simone : Oui, je m’en souviens, une vaste salle de béton nu… Nous avons appris en arrivant à Drancy que nous étions classées dans le groupe B, ils l’ont écrit sur nos fiches.

Georgette : C’est vrai, cela signifiait que nous étions juives et immédiatement déportables, malheureusement…

La fiche de Drancy de Simone avec son adresse à Gennevilliers
© Mémorial de la Shoah / Archives nationales

Simone : Nous étions prisonnières à Drancy, donc. C’était un bâtiment qui n’était pas terminé. Il avait dû être construit pour servir d’immeuble d’habitation, d’appartements ou quelque chose comme ça.

Georgette : Oui c’est ça, il y avait de très grandes pièces, les murs nus. Les escaliers étaient construits, des escaliers en ciment, allant d’un étage à l’autre. Je m’en souviens très bien. Nous n’avions rien à faire, sauf nous rassembler pour qu’on nous compte. Nous allions dans la cour de temps en temps, juste pour marcher. Il n’y avait aucune activité, rien.

Sur la fiche de Georgette du Fichier des enfants de Drancy, on trouve son numéro d’internement, 25 493 et juste en dessous « + 92 » qui correspond aux deux derniers chiffres du numéro d’internement de sa sœur (25 492). On y lit la date de la déportation, les informations d’identité et un grand « L » pour « libérée ». Au dos, l’adresse de sa tante avenue de la Porte d’Ivry et l’indication de la survie de Georgette avait été annoncée (et sans doute communiquée à sa famille) dès le 11 juin 1945 par deux autres jeunes filles parties par le Convoi 77, Simone et Lison Bloch, qui étaient à Kratzau avec Georgette et ont rejoint Paris avant elles. On voit ainsi comment les informations circulaient dans l’immédiat après-guerre. © Mémorial de la Shoah / Archives nationales

Simone : Mais au moins il n’y avait pas de travail forcé là.

Georgette : Pas là. Non, pas là. Pas à Drancy

Simone : Oui c’était juste un point de collecte pour rassembler les gens à envoyer à Auschwitz. Donc il n’y avait pas de travail. Il y avait juste des gens qui disaient travailler pour l’UGIF et qui essayaient, je sais maintenant qu’ils essayaient, de trouver où étaient nos proches, mais nous on avait peur qu’ils se servent de ces informations pour les arrêter.

Georgette : On n’a jamais donné aucune de ces informations. Au moins les plus vieux, les enfants les plus âgés, ne donnaient aucune de ces informations sur l’endroit où se trouvaient leurs parents ou la famille et les amis.

Simone : Oui on essayait de ne rien dire, parce qu’on savait qu’ils finiraient par être arrêtés. Donc, c’est la seule chose qu’on a fait à l’époque. Cela n’a duré que huit jours, alors…

Georgette : Tu te souviens des gardiens, à Drancy ?

Simone : Oui, ça va ils n’étaient pas si cruels à Drancy. Les Allemands, ils effrayaient tout le monde avec leurs chiens qui aboyaient, Ils n’étaient pas aussi cruels que ça, je veux dire que nous n’avons jamais vu d’événement mettant la vie en danger

Georgette : Mais il n’y avait pas assez de nourriture et elle n’était pas adéquate. On survivait car les autres recevaient des colis de leur famille et partageaient la nourriture avec les nous.

Simone : Finalement, pendant les dix jours que nous avons passés à Drancy, nous n’avons pas vraiment souffert, à part le fait d’être incarcéré et aussi de ne pas savoir ce qui était arrivé à notre père.

Sur cette page du cahier de mutations n°15 de Drancy, nous retrouvons les noms de plusieurs des jeunes filles de Vauquelin ou Louveciennes déportées par le convoi 77, comme Violette Parsimento, Yvette Dreyfus (Lévy) ou Neja Goldsztein. Elles étaient toutes installées dans l’escalier 7 à la chambre 1.
© Mémorial de la Shoah / Archives nationales de France

Georgette : Oui. Nous avions des nouvelles de lui grâce à un cousin, mais du jour au lendemain, on n’a plus eu de nouvelles. Nous savions qu’il était dans le sud dans la région lyonnaise, dans la résistance.

Elles s’arrêtent et se regardent, silencieuses.

Simone : On a appris bien plus tard qu’il avait été arrêté le 10 juin 1944 par la police allemande et incarcéré à la prison de Montluc. Il a été exécuté peu de temps après comme otage avec trente-deux résistants, peut-être à cause de sabotage. Nous n’avons jamais vraiment su ce qui s’était passé pour lui.

Georgette : N’en parlons pas maintenant, je ne peux pas y penser…

 

La déportation et l’arrivée à Auschwitz

Georgette : Huit jours plus tard donc, ils nous ont rassemblés et nous ont emmenés dans un train, qui était tout près il me semble. Enfin, je ne m’en souviens pas très bien.

Simone : Rappelle-toi, ils nous ont mis dans un bus pour nous emmener au train, à la gare de Bobigny.

Georgette : En tout cas, ils nous ont emmenés vers un train à bestiaux, 60 par wagon. Les conditions de vie dans ces wagons étaient épouvantables. C’était surpeuplé et la promiscuité était terrible. Nous ne mangions que ce que nous avions. Il y avait à peine assez d’eau. Il n’y avait qu’un seau pour faire ses besoins avec une sorte de, nous avons mis un rideau – un drap autour pour avoir une certaine forme d’intimité. Ils ne le vidaient qu’une fois par jour, quand ils ouvraient le wagon, quand ils s’arrêtaient, et c’était généralement la nuit.

Georgette : La nuit ?

Simone : Non, excuse-moi, pendant la journée. La nuit, le train roulait. Pendant la journée, la plupart du temps, il était arrêté.

Simone : J’ai eu beaucoup de chance. J’avais réussi à m’asseoir sur des paquets près de la fenêtre. Il y avait une toute petite fenêtre avec une barre et je pouvais voir ce qui se passait. Je me souviens qu’à un moment donné, certaines personnes que je connaissais, des hommes plus âgés qui faisaient partie du train que j’avais vu à Auschwitz…

Georgette : A Auschwitz ?

Simone : Non, bien sûr, à Drancy, ils ont tenté de s’enfuir, marcher nus jusqu’au premier wagon parce qu’ils avaient essayé de s’échapper. Il y avait des pleurs et c’était horrible. Ils n’ouvraient les portes qu’une fois par jour. Et il y avait, bien sûr comme je l’ai dit, ces 350 enfants. Ils ont demandé aux filles les plus âgées de s’occuper des plus jeunes. Je me suis chargée d’un petit garçon de trois ou quatre ans, je crois.

Georgette : Je ne crois pas me souvenir qu’il y avait des enfants plus jeunes

Simone : C’est vrai, ils devaient sans doute être avec leur mère. Mais il y avait beaucoup d’enfants de trois, quatre ans qui n’avaient personne. Peut-être cinq, également cinq ans.

Georgette : Je crois trois jours. Quelque chose comme ça. Et nous sommes arrivés au milieu de la nuit. Cela a peut-être duré quatre jours.

Simone : À ce moment-là, il était très difficile d’avoir une quelconque notion des dates, parce que vous savez, vous n’aviez pas de calendrier. Vous partez et ce voyage semble durer une éternité. Donc nous sommes arrivés, mais je sais, je me souviens, nous sommes arrivés dans la soirée, tard. Et ils nous ont dit de descendre.

Georgette : Je ne me souviens pas combien de wagons il y avait, juste je sais, j’ai su par la suite qu’il y avait 1300 déportés dans ce train, donc sûrement 20 wagons.

Simone : La seule chose que je savais, c’est que nous devions descendre, sans rien emporter. Et qu’on devait sauter du wagon. Et bien sûr, certaines personnes avaient peur de sauter en bas, les gens les plus âgés.

Georgette : Il y avait des Allemands. »Raus, raus ! », tu te souviens, la façon dont ils criaient. Avec des chiens. Et il y avait des détenus avec l’uniforme rayé. Je crois savoir qu’il y avait un ou deux Français avec un galon, mais je ne les ai pas entendus. D’autres, oui. Donc, des Français ont dit à certains ce qui allait se passer.

Simone : Nous avons sauté du train, et je me souviens que le petit garçon qui était avec moi n’avait pas de chaussures, alors j’ai dû le porter sur le quai. Et quand je suis arrivée, quand nous sommes arrivées à la tête de la ligne, il y avait là, il y avait deux Allemands avec des chiens, des bergers allemands. Et il y avait, Mengele était là.

Georgette : Nous avons eu d’autres occasions de le voir, il était là à toutes les sélections.

Simone : Il avait un bâton et pointait vers la gauche ou la droite. Il m’a demandé en allemand si le petit garçon était de moi, et j’ai répondu : « Non. » Je suppose qu’il a compris qu’il n’était pas mon enfant. Je n’avais que 18 ans, à peine 18 ans. Alors il a dit : « Laissez-le partir. » Et je l’ai laissé partir, et ils l’ont emmené, je ne sais plus, à droite, avec tous les autres petits enfants, et je suis allée à gauche, qui était la droite de Mengele. Et donc il y avait environ, je dirais environ 60, 70 femmes, peut-être moins, je ne sais pas, peut-être 50, qui sont venues au camp. Tous les autres ont été gazés. Parce que les hommes ont été emmenés dans une zone différente. Donc je, c’était, ils sont allés dans un, ils ont été envoyés dans un autre endroit. Et puis nous nous sommes retrouvés ensemble, emmenés dans un grand bâtiment.

Georgette : J’ai eu la chance moi aussi de partir vers la droite, alors que je n’avais que quinze ans.

Simone : La directrice de notre foyer ne voulait pas quitter les plus jeunes enfants parce qu’elle s’occupait d’eux depuis un certain temps. Elle voulait partir avec eux. Et ils ont tous fini dans la chambre à gaz. Et bien sûr, les mères ne voulaient pas se séparer de leurs enfants. C’est vrai aussi. Mais certaines d’entre elles pensaient que si vous étiez séparées, il valait mieux que vous partiez avec les jeunes et qu’elles partent avec les autres, de l’autre côté, parce que si vous mettiez ensemble les jeunes, ceux qui étaient capables, assez forts et capables de travailler, auraient une meilleure chance de survivre, ou quelque chose comme ça. C’était un instinct inné d’y aller, et d’ailleurs, nous n’avions pas beaucoup de choix.

Georgette : Mengele a donc fait la Selektsia, et il nous avait choisi, moi et ma sœur…

Simone : …et beaucoup d’autres jeunes femmes.

Elles restent silencieuses un long moment.

Simone : En tout cas, c’était la nuit, et on nous a emmenés dans un grand endroit, un grand bâtiment. Il avait l’air grand mais, bien sûr, après avoir été confiné dans un wagon à bestiaux pendant trois ou quatre jours, je veux dire que n’importe quoi pouvait paraître plus grand. On nous a dit de nous déshabiller, de laisser tout ce que nous avions. Puis ils nous ont rasé, enlevé tous nos cheveux, et nous ont envoyé dans la pièce suivante où nous avons pris une douche, une douche froide, sans savon, sans serviette, puis ils nous ont donné des chiffons à mettre sur nous. Pour une raison quelconque, nous avons gardé nos chaussures à ce moment-là, et j’avais une bonne paire de chaussures, une très bonne qui avait appartenu à mon père qui était plutôt petit et j’étais probablement plus grande que lui à ce moment-là. J’ai donc gardé ces chaussures en cuir épais. Et pendant longtemps, cela m’a aidé. Nous nous sommes donc habillées, puis ils nous ont emmenées jusqu’à la couchette où nous étions censés dormir. C’était dans un long bâtiment de bois et pas de briques comme par la suite à Auschwitz. Au centre, il y avait un mur, comme un long mur, mais pas un mur, il y avait une sorte de tuyau à l’intérieur. Et ils chauffaient un peu, à une extrémité et c’était censé chauffer tout l’endroit. Cela divisait l’endroit en deux, mais on pouvait l’enjamber. C’était très long. Et de chaque côté, il y avait des couchettes, des couchettes à trois niveaux, où l’on mettait quatre à six personnes par couchette, selon la densité du camp.

Georgette : C’était la première nuit.

 

Dans les camps

Georgette et Simone ne sont restées ensemble à Auschwitz que trois mois environ, entre début août et le 27 octobre 1944. Elles ont été malades l’une et l’autre, elles sont passées par l’infirmerie mais elles ont échappé à la sélection et à la chambre à gaz. En octobre, Georgette a fait partie du groupe de déportés, surtout des femmes, qui ont été envoyées dans un camp satellite de Gross-Rosen, dans les Sudètes, à Kratzau. A partir de ce moment-là, leurs chemins se sont séparés car Simone, quant à elle, va rester à l’infirmerie d’Auschwitz jusqu’au mois de janvier 1945.

Georgette : Je ne me souviens vraiment que de Kratzau. Mais vous, à Auschwitz, vous n’aviez pas de routine en ce qui concerne le travail ?

Simone : Pas avant que je sois malade.

Georgette : Ils comptaient les gens trois fois par jour ? Comme nous ?

Simone : Oui. Le seul type de travail dont je me rappelle était celui de ceux qui se portaient volontaires pour le travail médical. Ils étaient séparés de nous et emmenés à Auschwitz I. Sinon, non, je ne me souviens pas.

Georgette : Auschwitz I ?

Simone : Je me souviens d’un jour, et c’était avant que je sois malade, ils nous ont emmenés à l’autre camp, Auschwitz I. Nous, nous étions à Birkenau, Auschwitz II. C’était à peu près, je
dirais, à trois ou cinq kilomètres. C’est difficile à dire. On est arrivé à Auschwitz, et là, on a pris une douche.

Georgette : Pourquoi ? La douche de Birkenau ne fonctionnait pas ?

Simone : Je ne sais pas pourquoi ils nous ont amenées là-bas. D’une certaine manière, c’est ce qui m’a sauvée par la suite car je savais ainsi comment aller à Auschwitz, je savais même aller au village d’Auschwitz.

Le village d’Oswiecim (en allemand Auschwitz) est à peu de distance des deux premiers camps qui furent développés à proximité des voies ferrées. En janvier 1945, Simone se cachera à l’extérieur de Birkenau dans un bâtiment à proximité du village. © US Holocaust Memorial Museum

Georgette : Ensuite tu es tombé malade.

Simone : Oui je suis allée à l’infirmerie et j’y suis restée jusqu’à…, et je pense que cela a duré environ, oh, je ne me souviens pas, une semaine ou deux. Mais à la fin, j’ai attrapé soit le typhus, soit le typhoïde. Mais j’ai dû rester en isolement dans cette infirmerie.

Georgette : Moi j’ai attrapé la scarlatine comme toutes les autres personnes qui étaient avec nous. Mais on s’est rétablies et on est retourné dans le camp.

Simone : Au début du mois d’octobre, il y a eu une sélection pour la chambre à gaz dans tout le camp, ainsi que dans notre infirmerie.

Georgette : Je me suis toujours demandé comment tu n’avais pas été sélectionnée, toi qui étais depuis des semaines à l’infirmerie.

Simone : J’étais encore assez forte et je ne montrais pas de signe exagéré d’émaciation. Alors je…, bref ils m’ont laissée rester là.

Georgette : Pas de signe exagéré… L’une des choses terribles dans le camp, c’est que nous étions affamés, mais nous parlions toujours de ce que nous avions mangé avant, et de ce que nous mangerions après.

Simone : C’était vraiment une torture, mais on le faisait.

Elles se taisent un long moment.

Simone : Donc, au moment de cette sélection, ils ont aussi extrait les valides du reste du camp, tous les valides de mon baraquement, beaucoup de jeunes filles et de femmes, comme toi, pour aller travailler en Tchécoslovaquie. C’est là que nous avons été séparées.

Georgette : Je suis partie là-bas avec tous nos amis et je t’ai perdue de vue.

Simone : Je me suis donc retrouvé avec une seule fille française. A la toute fin du mois d’octobre, ils ont cessé d’utiliser les crématoriums. Ils ne brûlaient que ceux qui étaient morts, pour toutes sortes de raisons. Donc c’était une pause pour nous, qui avions réussi à survivre à ce moment-là.

Georgette : Mais qu’est-ce que vous faisiez de vos journées alors ?

Simone : Rien ! Nous ne faisions rien ! Nous nous sommes restés assis, la plupart du temps dehors, sauf s’il pleuvait.

Georgette : Tu avais des amis ? Une personne en particulier qui t’aurait aidée ?

Simone : Pas vraiment, j’ai été malade pendant si longtemps que j’étais probablement hors d’état de faire quoi que ce soit. Je dormais plus qu’autre chose. Ensuite on nous a fait marcher. C’était en janvier. Janvier 45. Il y avait de la neige sur le sol. Il faisait très froid. Ils nous ont fait défiler pendant un moment. Et tout à coup, au bout d’un moment, on s’est retrouvés seuls. Les gardes étaient partis.

Georgette : Il y avait des Russes ?

Simone : On entendait les canons, les Russes ne devaient pas être loin. Nous avions vraiment très peur. On ne savait pas où ils voulaient nous envoyer, mais on s’est retrouvés seuls. Alors on a finalement décidé d’aller dans les maisons. Il y avait des maisons sur la route. Et donc certaines d’entre nous, les Françaises, nous étions trois filles françaises ensemble à ce moment-là, nous sommes allées dans l’une des maisons. Il y avait déjà quelques personnes là, dans un sous-sol. Et nous sommes restées là pendant une semaine entière, avec un quart de livre de pain.

Georgette : Lorsque vous avez commencé à sortir de Birkenau, combien de personnes étaient avec toi ?

Simone : C’était un tout, je veux dire qu’il y en avait pas mal, mais je ne pourrais pas donner un nombre. C’était une longue file. Les gardes sont partis sans nous donner aucune information. Ils avaient, apparemment, ils avaient des camions autour, mais ils sont juste partis. Nous étions libres en quelque sorte. Mais comme c’était vraiment le front à ce moment-là, à peu près le front de la guerre, nous savions que nous ne devions pas rester dehors et essayer de fuir.

Georgette : Donc en fin de compte, combien de temps es-tu restée au Birkenau ?

Simone : Eh bien, du 2 ou 3 août au 5 ou 6 janvier, cinq mois. Et toi, raconte-moi…

Georgette : C’est une longue histoire.

 

Georgette à Kratzau

Georgette : Comme tu le disais tout à l’heure, au mois d’octobre 1944, il y a eu une sélection pour la chambre à gaz dans tout le camp, y compris à l’infirmerie, et toi tu y as échappé. C’est là qu’ils ont déporté beaucoup de jeunes filles et de femmes pour aller travailler en Tchécoslovaquie.

Simone : A ce moment-là ? Et qu’est-ce qu’on vous a donné pour aller travailler là-bas, des vêtements ?

 

En novembre 1944, deux femmes qui avaient été déportées en même temps que Georgette, Anna Sussmann et Margot Ségal, ont réussi à s’évader et à atteindre la Suisse. Elles ont prévenu la Croix rouge, qui a envoyé alors un colis de nourriture : c’est leur témoignage et celui d’Yvette Lévy qui était dans le même camp que Georgette qui nous ont permis d’imaginer à quoi ressemblait la vie à Kratzau. Nous supposons qu’elles ont traversé des épreuves similaires. Si Georgette a travaillé à la fabrication de pistolets, les machines dégageaient de la chaleur ce qui avantageait les femmes qui étaient dans cet atelier là-bas car il y faisait moins froid. Certaines femmes peignaient des grenades avec des produits très toxiques et avaient donc droit à un quart de lait écrémé qu’elles ne buvaient pourtant pas car elles pensaient qu’il était empoisonné. Certaines femmes ont mené des actions de sabotage : en tapant sur les machines de temps en temps, elles pouvaient bloquer le fonctionnement de l’usine et stopper la production d’armes temporairement mais c’était tout, les risques étaient trop grands.

 

Georgette : Cette sélection a eu lieu le 27 octobre 1944 mais, étrangement, nous avons réellement pris une douche — froide bien entendu —, il n’y a pas eu de gaz. Ils nous ont pris nos vêtements, ils nous ont désinfectées et nous avons reçu de nouveaux vêtements : une chemise, une culotte, une robe d’été, une sorte de pardessus léger, une paire de socquettes et une seule paire de chaussures plates pas forcément à notre pointure. Pas de serviette de toilette ni de sous-vêtements de rechange donc si nous voulions laver notre unique culotte ou chemise, bien sûr sans savon, il ne restait plus qu’une robe d’été à nous mettre en novembre ! Après deux semaines de travail à l’usine, nous étions effroyablement sales. Quand on nous donnait des chiffons pour nettoyer les machines, on s’en servait pour se faire des sortes de turbans (nous avions été rasées avant de quitter Auschwitz). Vers la fin de novembre, on nous a distribué des sabots, des sortes de chaussons en bois, ouverts à l’arrière avec lesquels il était impossible de marcher dans la bouillasse ou dans la neige.

Simone : Et sur la route, vous avez mangé ?

Georgette : On devait partager un petit morceau de pain avec une rondelle de saucisson. C’était tout. Ensuite nous avons été emmenés dans un wagon à bestiaux dans lequel nous avons voyagé 3 jours jusqu’à la Tchécoslovaquie. Nous sommes arrivés dans les Sudètes vidées des habitants Tchèques et qui avaient été colonisés par des Allemands. Le camp s’appelait Kratzau.

Simone : Combien étiez-vous ?

Georgette : Mille femmes de toutes nationalités surveillées par quarante SS. Ils nous ont menées travailler dans une usine d’armement installée dans un village à une heure de marche, installé dans une montagne. Chaque jour on devait monter là-haut, pieds nus en claquettes. On n’avait pas de chaussettes, pas de collants, ni même de chiffons aux pieds. La température est descendue à -15°C voire -20°C, parfois même nous avions de la neige jusqu’aux genoux. Là-bas nous étions encadrées par des contre-maîtres et chefs d’équipe allemands avec l’insigne nazi. En fait, c’était une ancienne usine de tissage qui avait été transformée en usine d’armement par les Allemands. Le travail était dur surtout quand on faisait partie de l’équipe de nuit. Ceci dit, travailler en usine était une chance même si on travaillait 12 heures par jour alors que d’autres travaillaient dans des commandos où elles cassaient des pierres pour aplanir la route, ou bien elles étaient dans la montagne à classer des pièces pour faire des fusils. Le travail dans les ateliers n’était pas désagréable, on était relativement peu surveillées et le traitement infligé par les contremaîtres allemands et étrangers était convenable, à quelques exceptions près. Les autres travailleurs avaient l’interdiction formelle de s’adresser à nous, mais dans plusieurs ateliers, ils ont donné aux femmes du pain, des fruits et occasionnellement des journaux à lire. Quant au travail, des bonus étaient accordés aux femmes qui travaillaient le mieux. On leur distribuait généralement 200 grammes de margarine et un peu de confiture en plus, et quelque fois un petit paquet de lessive en poudre.

Simone : Et le camp, comment était-il ?

Georgette : C’étaient de grandes bâtisses, avec un dortoir au premier. Il y avait des lits superposés sur trois niveaux, on était deux par lit avec une sorte de matelas de paille et une couverture pour deux. Les femmes se soutenaient et s’organisaient, elles récoltaient des objets pour améliorer leurs conditions d’existence, ou des aliments par-ci par-là.

Simone : Raconte-moi un peu plus comment c’était dans l’usine.

Georgette : On se levait à 3h30 du matin et les lits devaient être faits. A 4h15, il y avait l’appel dans les dortoirs puis « Exode » dans la cour pour aller chercher le petit-déjeuner, chacune à son tour. Le petit-déjeuner était composé de soupe à base d’eau et de pommes de terre ou de légumes, épaissie d’épluchures de pommes de terre crues. Nous recevions ¾ d’un litre par personne. En même temps, on nous donnait notre ration quotidienne de pain, quelques 250 grammes avec 5 à 10 grammes de margarine, une tranche de saucisse ou une cuillerée de confiture, de la marmelade de betterave. A 5 h, on faisait l’appel dans la cour pour celles qui partaient à l’usine où la journée de travail commençait à 6 h pour se terminer vers 18h. Il n’y avait pas de nourriture le midi. Au retour au camp, il y avait le deuxième appel dans la cour suivi d’un temps d’attente pour la distribution de la soupe. La soupe du soir, un litre environ, était composée également de pommes de terre, mais elle était plus épaisse et contenait en général des pommes de terre entières dans leur peau, mélangées à quelques betteraves. Une fois par semaine, nous recevions les éternelles pommes de terre avec un peu de sauce à la viande et, occasionnellement, des oignons. Les dimanches aussi, nous avions droit aux pommes de terre avec un peu de sauce à la viande. A 21h, nous étions couchées.

Simone : Quand avez-vous été libérées ?

Georgette : le 7 mai 1945, on a eu peu de travail, on nous a réunies dans la cour du village où on dormait et le directeur de l’usine nous a dit que la guerre allait bientôt se terminer. C’était très étrange, la veille nous étions des esclaves dans son usine, et là il a formulé des vœux pour qu’on puisse rentrer chacune dans notre pays respectif. Dans la nuit du 8 au 9 mai 1945, les SS ont disparu en laissant leurs uniformes sur place, mais le camp était miné, nous n’osions pas bouger. Le 9 mai 1945, les partisans tchécoslovaques sont entrés et l’ont déminé. L’après-midi sont arrivés les Russes.

Simone: Les Russes…

Georgette : Pendant des années, je n’ai pas pu parler de ces jours-là… J’en ai dit un peu à Denise une fois, longtemps après…

Simone : Qu’est-ce qui s’était passé ?

Georgette : Tu sais, à cette époque, nous parlions un peu le russe, n’est-ce pas ?

Simone : Du moins, nous le comprenions.

Georgette : Exactement. Un soir, j’ai entendu des voix qui venaient vers notre abri et elles ont dit, en russe, et j’ai compris, « revenons cette nuit et nous nous amuserons ! » J’ai crié aux filles de courir, de courir et de se cacher dans les champs, et j’ai couru, mais certaines filles ne nous ont pas suivies et étaient mortes le lendemain matin, violées.

Elles restent silencieuses pendant un moment, elles se regardent.

Simone : Comment es-tu rentrée alors ?

Georgette : On est parties à dix par camion pour rejoindre Prague. Avec une amie, nous sommes passées dans une ou deux fermes mais on n’a rien trouvé à manger. Je sais que le maire de Kratzau a fait un papier pour certaines filles invitant tout le monde à les aider à rentrer chez elles, mais moi je n’ai rien eu de ce genre. Sur le chemin du retour, on s’est arrêtées de temps en temps, quand on pouvait. Nulle part nous n’avons reçu un bon accueil. Les Russes comme les Américains nous demandaient de coucher avec eux en échange de nourriture. On a refusé, il fallait se débrouiller autrement. Certaines de nos camarades sont mortes dans le trajet de retour. En arrivant en France, on a été accueillies avec mépris, on était déçues, amères et tristes, les gens n’étaient pas accueillants du tout.

 

Retour en France

Georgette : Et toi, à Auschwitz, lorsque tu t’es finalement un peu rétablie et que tu t’es sentie assez forte, qu’as-tu fait ?

Simone : Eh bien, j’ai attendu jusqu’à ce que je puisse être rapatriée. Nous avons passé les jours à nous promener, à marcher et à parler. Parler et encore parler. Et à ce moment-là, il y avait beaucoup d’autres Français, surtout des hommes.

Simone en 1945, ses cheveux encore très courts après avoir été rasés à Auschwitz © archives Mémorial de la Shoah/Adeena Horowitz

Georgette : Je crois me souvenir que tu m’en avais parlé… La Croix-Rouge française a réussi à rassembler suffisamment de détenus d’Auschwitz, des travailleurs forcés de toute l’Europe, et a utilisé un train à bestiaux, pour retourner en France en passant par la Russie. Vous êtes d’abord allés à Cracovie, d’où partait le train. Ils vous ont gardés à Cracovie pendant environ une semaine, dans une école.

Simone : Oui tout à fait. Ils nous ont donné un peu d’argent polonais, et nous avons essayé de compléter notre alimentation. Nous voulions trouver des œufs et les faire cuire. Alors nous avons acheté des œufs, mais peu importe la quantité que nous cuisinions, c’était toujours des œufs durs. Jusqu’à ce que nous réalisions qu’ils nous vendaient des œufs déjà cuits, déjà durs.

Elles sourient.

Simone : On a fait des choses, jusqu’à ce que le train arrive. Puis, lorsqu’il est arrivé, ils nous ont mis dedans.

A Cracovie en 1945 © www.herodote.net

Georgette : Je ne pense pas que vous aviez des papiers à ce moment-là. Ils avaient juste une liste des personnes. Vous n’aviez pas de papiers à vous. Alors vous ne pouviez pas aller très loin.

Simone : Oui, on ne pouvait pas faire grand-chose parce qu’on ne savait jamais si on n’avait pas une pièce d’identité sous une forme ou une autre. Donc, où j’en étais ? Ah oui ! On nous a mis dans un train soviétique, dans des wagons à bestiaux de nouveau mais certainement pas 60 par wagon. Nous avions assez de place pour nous allonger tous, 20 ou 25 personnes par terre. Chaque fois que c’était le moment des repas, le train s’arrêtait et ils préparaient à manger dans les wagons. Nous sommes allés comme ça de Cracovie jusqu’à Odessa, en passant par l’Ukraine.

Georgette : Tout ça était sous l’égide de la Croix-Rouge, n’est-ce pas ? Il y avait quelques Français qui s’occupaient des prisonniers et des Russes, bien sûr, pour garder les wagons.

Simone : Exactement ! Et c’était très, très triste, car il y avait tous ces Russes qui venaient aux voitures avec leurs chiffons et qui essayaient de nous vendre quelque chose, d’acheter quelque chose de nous : nous n’avions rien et ils avaient moins que rien de leur côté. Et ça a duré environ une semaine jusqu’à ce qu’on arrive à Odessa où on nous a installés dans une école. On y a rencontré beaucoup de gens de la Croix-Rouge française. On nous a donné des papiers, des vêtements, de la nourriture. En d’autres termes, on nous a rendu notre identité et notre amour-propre…

Georgette : Et les Russes vous ont gardés longtemps, là-bas ?

Simone : Eh bien, nous y sommes restés pendant une semaine environ. Bien sûr, nous n’étions pas vraiment autorisés à nous déplacer. Les Russes étaient toujours très prudents et ne nous laissaient pas trop nous mêler aux autres. Bien sûr, nous ne connaissions pas la langue non plus. Enfin, nous avons attendu que le bateau arrive, un bateau britannique qui allait nous ramener en France, à Marseille. Et souviens-toi, c’était encore la guerre, alors il y avait quelques problèmes d’organisation… Et bien sûr nous avions peur de faire naufrage à cause d’une torpille ou d’autre chose. Il y avait toujours cette inquiétude, et ils nous faisaient faire des exercices d’entraînement tout le temps pour nous préparer à toutes éventualités.

Arrivée d’un paquebot britannique à Marseille, le 5 avril 1945.
En provenance d’Odessa, il ramène quelque 1.600 prisonniers et une soixantaine de déportés venus de Pologne, d’Ukraine et de Prusse orientale © La Provence (photo DR)

Georgette : Ça devait être à la fin du mois d’avril. Et le voyage a dû durer environ dix jours. Vous êtes donc arrivés à Marseille le 1er mai.

Simone : Exactement ! Je m’en souviendrai toujours, parce que le 1er mai est un jour férié. C’est notre fête du travail. Je me souviens donc avoir atterri le 1er mai 1945. A Marseille, nous avons bien sûr été rassemblés dans un bâtiment et la Croix Rouge était là. Ils nous ont demandé ce que nous voulions faire. Nous décidions où nous voulions aller et ils nous y emmenaient.

Georgette : Donc, théoriquement, tu voulais retourner à Paris, mais tu as d’abord demandé s’ils savaient ce qui était arrivé à notre père. C’est ça ?

Simone : Effectivement. Ils ont répondu qu’ils le découvriraient. Et le lendemain, ils m’ont dit que mon père avait été tué, qu’il avait été arrêté le 10 juin 1944 à Lyon, emprisonné à Montluc et fusillé parmi d’autres otages moins d’un mois plus tard, le 8 juillet — alors même que nous étions encore libres, Georgette ! Et nous n’en avions rien su ! Je n’ai pas besoin de dire le choc et le traumatisme que cela a provoqué, tu as dû ressentir le même lorsque tu as appris la nouvelle. Mais je ne savais pas quoi faire. Je ne voulais pas aller à Paris, mais ma tante y était toujours, et je me demandais si je devais y aller. Un ami m’a proposé de m’accueillir chez lui pendant deux semaines, jusqu’à ce que je reprenne contact avec ma tante ou mes amis à Paris.

Georgette : Et c’est ce que tu as fait. Tu es retournée à Clermont-Ferrand avec lui, dans sa famille. Il avait sa femme et ses enfants, qui avaient à peu près ton âge. Tu es restée avec lui environ deux semaines, puis tu es partie vivre chez une de ses amies qui vivait dans les montagnes et tu es restée avec elle le reste de l’été, toujours près de Clermont-Ferrand où tu as repris tes études à l’automne.

Simone : Je n’avais pas étudié depuis presque un an, alors j’ai voulu reprendre mes études, les réviser, parce que je devais passer ma deuxième partie du baccalauréat. Et je me suis préparée à entrer à l’école. Je savais que j’allais retourner à Paris, mais je ne voulais pas aller chez ma tante. Alors je suis allée dans un autre orphelinat, sous la tutelle de l’OSE.

Une vue de la maison de « l’Hirondelle » après la guerre, l’un des foyers administrés par l’OSE © www.judaisme.sdv.fr

Georgette : L’Œuvre de secours aux Enfants… Ils avaient la responsabilité des foyers pour les orphelins pendant la guerre, les orphelins ou ceux qui étaient cachés par leurs parents, et ensuite, après la guerre, en plus de ces enfants il y a eu les rares qui comme nous étaient revenus des camps. C’est donc là que tu t’es dirigée, dans l’un d’eux, non loin de Versailles. Parce que c’est là que les enfants les plus âgés allaient. Et tu as vécu là pendant un an si je me souviens bien… Comme moi par la suite.

Simone : …Pas tout à fait un an, mais oui, c’est ça…

Georgette : …Quant à moi, de mon côté nous avons été libérées au début du mois de mai 1945, le 8, je crois, lorsque la guerre a pris fin. Il nous a bien fallu plus d’un mois pour rentrer à Paris…

Simone : 8 mai 1945 — oui. Et je ne sais pas exactement ce qui t’est arrivé juste après, parce que tu n’as jamais été très claire ni tes amies qui sont revenues avec toi. Mais vous êtes revenues avec la Croix-Rouge, tu t’es d’abord installée chez notre tante où tu as vécu pendant un certain temps…

Georgette : Et puis j’ai ensuite décidé d’aller dans l’un de ces foyers qui ont accueilli les orphelins des camps, et par un affreux hasard, c’était juste là où toi tu avais été arrêtée, rue Vauquelin. Tandis que tu es partie vivre seule à Paris, que tu as loué une chambre et tu es retournée à l’école.

Simone : Je suis retournée à Paris à la fin de l’été 45, à la fin du mois de septembre. Les cours recommençaient en octobre. Avant la rentrée des classes, quelques semaines avant peut-être. Je suis allée voir ma tante, mais je ne voulais pas vivre avec elle.

 

Situation après leur retour de déportation

Après la guerre, Georgette et Simone sont rentrés à Paris et ont essayé de vendre leur maison d’enfance pour gagner un peu d’argent mais, étant mineures, elles avaient besoin d’un tuteur, ce qui explique donc que Georgette ait fini par la vendre seulement après le départ de Simone pour les États-Unis.

Simone : Oui, la maison —notre maison donc a été louée pendant longtemps. Et nous l’avons laissée ainsi jusqu’à ce que nous la vendions, bien des années plus tard, alors que j’étais déjà en Amérique. Ma sœur s’en est occupée. Elle a été vendue.

Georgette : Quand nous sommes rentrées des camps, nous avons tout retrouvé, intact.

Simone : Comme nous l’avons laissée. Personne n’avait touché à rien. Très peu de temps après la fin de la guerre, nous étions, ma sœur et moi, de retour à Paris. Mais nous étions encore toutes deux mineures. Alors pour faire ce que nous voulions, louer ou, vous savez, nous voulions vendre les meubles et les machines qui étaient là, alors ce que nous avons fait, nous avons dû obtenir, comment vous appelez ça, oh, quelqu’un qui en était responsable.

Georgette : Il nous fallait un tuteur.

Simone : Nous avons eu de la chance : les amis avec lesquels j’ai grandi, cette famille que je connaissais très bien, dont les enfants, la fille la plus âgée, Denise, était dans ma classe tout au long de l’école, même à l’université, sa mère, ils étaient médecins. Elle s’est portée volontaire, je lui ai demandé et elle a dit oui. Ma tante, je ne voulais pas de ma tante comme tutrice parce que nous ne nous entendions pas très bien et il y avait beaucoup de frictions entre elle et mon père, et je ne voulais pas que cela soit projeté dans ma vie.

Georgette : Nous avons tout vendu à un homme qui était intéressé par l’utilisation de l’usine et c’est notre tante qui s’est chargée de tout. Je suis allée vivre alors avec ma tante Doba qui voulait que je retourne à l’école.

Simone : Il faut dire que tu étais d’abord retournée au foyer de la rue Vauquelin, comme bien d’autres jeunes survivants. Rue Vauquelin où j’avais été arrêtée.

Georgette : Et toi ?

Simone : Eh bien, moi, pendant un certain temps, j’ai vécu avec la directrice du foyer où je suis allée. Elle y est restée environ un an, pas tout à fait, j’y étais donc un peu moins d’un an. Et j’ai loué la chambre de bonne qu’elle avait, tout en haut. Je suis restée là pendant, eh bien, moins d’un an, je pense, jusqu’à ce que je me retrouve à louer une chambre dans un appartement avec une dame plus âgée, pas loin de là. Mais j’étais de retour à l’école. J’ai fini mon lycée avec la deuxième partie du baccalauréat. Puis après, comme je voulais faire la fac de médecine, j’ai dû faire une année de chimie et de biologie de base, ce qui est obligatoire, ce qui est un travail universitaire. Et puis je suis allée à l’école de médecine. Et je me suis occupée de moi-même, en somme.

Simone fait une pause avant de reprendre à voix basse.

Simone : Et puis, en novembre, souviens-toi, nous avons dû aller à Montluc … C’est un moment auquel je ne parviens pas à penser sans horreur, malgré toutes ces années…

Georgette : Il fallait reconnaitre les corps des otages fusillés à Montluc. Notre père était mort, on nous l’avait dit, mais il fallait être sûrs que c’était lui…

Simone : Et quand on nous a montré son dentier…

Elles restent longtemps silencieuses.

Georgette : Oui, j’étais dévastée, je ne m’en suis jamais remise. Je ne pouvais pas étudier, je n’arrivais plus à me concentrer. J’ai essayé de travailler, sans succès. Plus tard, j’ai décidé d’aller en Israël parce qu’un des garçons que j’avais rencontré en foyer y était allé et que je l’aimais.

Simone : Georgette, tu me rendais folle à force de ne pas savoir quoi faire de ta vie, je t’avais prévenue que tu finirais à Chypre (c’est là qu’allaient la plupart des bateaux d’immigrants en Palestine), et c’est ce qui s’est produit !

Georgette : J’ai tout perdu dans cette histoire : mon argent, mes vêtements, mes affaires. Je suis donc revenue sans rien, et je me suis réinstallée chez sa tante pour essayer « d’éponger » mes dettes.

Simone : C’est alors seulement que je suis partie en Amérique.

Georgette : En 1947 ou 48, je crois ?

Simone : Oui, 1948. A ce moment-là, j’avais décidé de quitter la France de toute façon. Je ne pouvais pas me voir vivre là-bas après ce que j’avais vécu. Il y avait une quantité énorme d’antisémitisme. Les Français n’étaient certainement pas prêts à écouter les survivants, et bien sûr, en Amérique, ils ne l’étaient pas non plus, mais… et puis la communauté juive était inexistante. C’était pathétique. Il a fallu de nombreuses années pour qu’elle se réorganise, il n’y avait donc rien pour moi. Il n’y avait pratiquement plus de communauté juive, si tant est qu’il y en ait une, à part les scouts que j’avais connus auparavant, les scouts juifs que j’avais connus, que j’ai continué à fréquenter pendant un certain temps.

Georgette : Mes raisons n’étaient sans doute pas tout à fait les mêmes, mais moi aussi je suis partie…

 

Activités après la guerre

Simone, quand elle est arrivée aux USA, n’a pas immédiatement poursuivi d’études à Detroit où elle s’est installée chez ses cousins, mais elle a fini par rejoindre le Hunter College à New York où elle a passé un Bachelor Degree (un diplôme de premier cycle universitaire aux Etats-Unis — undergraduate — correspondant plus ou moins à une licence).

Par la suite elle eut un emploi dans un laboratoire, mais à un niveau basique, et elle a arrêté de travailler dès qu’elle s’est mariée et fondé une famille. © archives familiales Horowitz

Son mari, Herman Horowitz, lui a été présenté en 1954 par son cousin. Après avoir habité New York, ils se sont installés à Philadelphie. Ils ont eu trois filles, Sara, Myriam et Adeena. Simone a obtenu la nationalité américaine en 1955 et n’a plus jamais travaillé mais c’était une femme très active : c’était une excellente cuisinière, elle aimait la musique, elle peignait, elle faisait beaucoup de mots-croisés, de jeux de logiques, elle aimait aussi faire de la couture.

Comme on peut le voir sur cette photo, elle envisageait avec humour sa situation de femme au foyer ! © archives familiales Horowitz

De son côté, partie de France en 1950, Georgette a vécu le reste de sa vie dans le Kent, en Grande-Bretagne. Elle et sa fille Michelle, née en 1956, sont allées à plusieurs reprises aux États-Unis où elles ont retrouvé Simone. C’est peut-être lors de l’une de ces visites qu’a été prise cette photographie.

Simone entre sa sœur Georgette, Georgia, et son beau-frère John Cranham, dans les années 1990.
© archives familiales Horowitz

La guerre et surtout la déportation ont pesé lourdement sur la vie de Simone : : « ce n’était pas la femme la plus heureuse qu’on puisse imaginer », c’était une femme « en colère », « avec beaucoup de colère en elle », nous ont dit ses filles, tandis que Georgette, Georgia, serait revenue plus forte de la guerre — mais pour toutes les deux, le traumatisme était énorme. Simone était heureuse de la vie qu’elle menait en Amérique, heureuse d’être aux USA alors qu’elle avait un grand ressentiment à l’égard de la France qu’elle la tenait pour responsable de ce qui leur était arrivé. En revenant d’Auschwitz, elle ne pensait pas avoir encore une place dans ce pays, elle ne voulait pas y rester.

Cependant, elle a toujours été très claire sur le fait que ses voisins à Gennevilliers ont toujours été corrects : ils ont gardé leur maison, leurs affaires intactes jusqu’à leur retour, ils ont protégé leurs biens. Par ailleurs, elle est retournée en France après la guerre, deux fois, dans les années 1980 ce qui lui donna une forme de guérison de toute cette colère. Elle a fait effacer le tatouage de son numéro de déportée à Auschwitz. Nous ne savons pas si Georgette en a fait autant du numéro qu’elle portait : A 16833.

Les deux sœurs ont lutté des années pour faire valoir leurs droits : comme elles avaient quitté la France dès la fin des années 1940, elles n’avaient pas su qu’elles pouvaient obtenir le statut de déportées politiques.

Elles n’ont appris que par hasard, en 1962, par un article dans la presse, qu’elles avaient droit à des indemnités. Elles ont alors multiplié les courriers jusqu’en 1995 mais comme ni l’une ni l’autre ne vivait plus en France, ni n’avait conservé la nationalité française, elles ont eu du mal à faire valoir leurs droits. D’après cette correspondance, Simone aurait peut-être touché quelque chose en rapport avec la mort de son père, fusillé comme otage par les Allemands.

Simone est retournée en France dans les années 1980 ou 1990, elle a revu sa maison de Gennevilliers à ce moment-là. Elle a aussi retrouvé ses anciennes compagnes de déportation lors de leur rencontre annuelle.

L’amie d’enfance de Simone, Denise Lubetzki, médecin, les a aidées durant des années à faire leur deuil. Elle est intervenue pour que le nom de leur père soit inscrit sur le monument de Porte-lès-Valence dédié à la mémoire des otages abattus là en juillet 1944, et que le nom de leur mère figure sur la liste des habitants de Gennevilliers qui ont été déportés. Pour Simone, je le placerais après « fusillé comme otage par les Allemands » et pour Georgette, après « faire valoir leurs droits ».

Les auteurs :

Un groupe d’élèves volontaires des classes de 3A, 3B et 3C du Collège Pierre Alviset à Paris, sous la direction de leur professeure d’histoire-géographie, Catherine Darley :

Henri Alor, Julien Aunay, Lyne Beller-Tolve, Elio Causse-Feuillet, Nina Dao, Paul De Franco, Louise Denoit, Alexandre Derome, Inès De Villanova, Eva Dounovetz, Lucie Foubert, Lola Gomez-Le Du, Nina Khamdamov, Lucie Langet, Mara Lefebvre, Manon Le Merrer, Victor Louet, Elsa Marion et Emilia Pandolfi.

Ce travail a été mené entre octobre 2022 et juin 2023.

Nous tenons à rappeler qu’un premier travail de recherches sur la vie de Simone et Georgette Zuckermann avait été mené par des élèves de 1ère ES du lycée Galilée de Gennevillers (92) sous la direction de leur enseignante Lucie Vouzelaud. Ce travail avait été réalisé dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la Déportation, et il a notamment débouché sur une exposition en mai 2018.

 

Les sources :

  • Le dossier de Georgette Zuckermann au DAVCC : DAVCC 21 P 602 353
  • Le dossier de Simone Zuckermann au DAVCC : DAVCC 21 P 572 806
  • Le témoignage de Simone a été enregistré (en anglais) en 1995 pour le Holocaust Memorial de Washington (USA).
  • Georgette n’a pas pour sa part enregistré le récit de sa vie et notamment de ce qu’elle a vécu pendant la guerre, et nous n’avons donc que des témoignages indirects sur ce qu’elle a pu vivre, ceux de jeunes filles qui étaient sans doute avec elles à Louveciennes ou rue Vauquelin et qui, comme elle, ont été déportées à Auschwitz et de là, envoyées en camp de travail à Kratzau : Germaine Helbrun (témoignage enregistré en 2007 à Cannes et conservé aux Archives départementales des Alpes-Maritimes) et Yvette Lévy (témoignage filmé en 2004 par le Mémorial de la Shoah et la Mairie de Paris). Les témoignages d’Anna Sussmann et de Margot Segal, évadées fin novembre 1944 du camp de travail forcé pour femmes juives de Weißkirchen (Kratzau), figurent dans un article du 10 octobre de 2018 du Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah
  • La correspondance que nous avons mené avec les filles de Simone Zuckermann, Adeena et Sarah Horowitz, et l’entretien réalisé en visioconférence (et en anglais) le 14 février 2023.
  • Photos de Nevakh Zuckermann et Fania Ifliandik, et de Simone et de Georgette Zuckermann leurs filles, fournies par Adeena Horowitz.
  • Les recensements de 1931 et 1936 sur la commune de Gennevilliers.
  • Les photos aériennes du quartier de la Couture d’Auxerre à différentes époques sur le site https://remonterletemps.ign.fr/
  • https://www.gennevilliers-tourisme.com/galerie/gennevilliers-cartes-postales-cetait-hier
  • Les archives de la famille de la sœur de Fania Ifliandik, Doba, et donc des cousins de Simone et Georgette Zuckermann, publiées sur Geneanet par Laurence Maillard-Landoas (et entretien téléphonique avec Madame Maillard-Landoas en mars 2023).
  • La fiche de Nevakh Zuckermann aux Archives départementales du Rhône, détenu à Montluc et « probablement fusillé ».
  • La fiche biographique de Nevakh Zuckermann sur le Dictionnaire Maitron des fusillés et exécutés 1940 – 1944.
  • Liste datée du 25/07/1944 répertoriant quarante-huit enfants et adultes transférées de Louveciennes à Drancy le 22/07/1944 – Archives du Mémorial de la Shoah, CCXV-27
  • Rapport de synthèse, non daté, établi sous la présidence de Georges Edinger, sur l’activité de l’Union générale des israélites de France (UGIF), concernant son « travail officiel » et son « travail clandestin » de 1941 à 1944 – Archives du Mémorial de la Shoah, CCCLXXIX-33
  • Ensemble de listes, datées du 15/11/1944, d’anciens membres de la Sixième, de cadres du Service social des jeunes et d’éclaireurs israélites de France déportés et revenus des camps et échange de lettres, datées du 29/05/1948 au 02/09/1948, dont l’un des auteurs est Ninon Haït – Archives du Mémorial de la Shoah, DLI-4
  • Carte des environs d’Auschwitz à l’été 1944 sur l’Encyclopédie multimédia de la Shoah hébergée sur le site du United States Holocaust Memorial Museum
  • Archives municipales de Gennevilliers

 

This biography of Simone ZUCKERMANN has been translated into English.

Contributeur(s)

Un groupe d'élèves volontaires des classes de 3A, 3B et 3C du Collège Pierre Alviset à Paris, sous la direction de leur professeure d'histoire-géographie, Catherine Darley

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1 Comment
  1. MH Reiss 10 mois ago

    Bravo pour ce beau travail

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