Fabien Devilliers, un passionné d’histoire et de cyclisme, a entrepris une « aventure mémorielle » en décidant de rallier à vélo le camp d’extermination d’Auschwitz depuis le camp de Gurs, au profit de l’Unicef.
Convoi 77 a décidé de le suivre en lui consacrant trois articles, un avant son départ, un pendant son périplele, et un à la fin. Voici le dernier volet de cette série.
Quel bilan faites-vous de cette aventure ?
Un bilan très positif. J’ai atteint les objectifs que je m’étais fixés : aller jusqu’au bout, collecter 3 000 euros pour l’Unicef et intervenir auprès d’écoliers. J’ai fait 12 interventions scolaires, ce qui représente à peu près 400 élèves.
J’ai aussi eu de la chance car j’ai rencontré plein de gens très attentionnés et bienveillants à mon égard.
Au niveau des étapes, j’ai visité tous les lieux que j’avais prévu de voir, sauf la prison de Montluc, car elle était fermée quand j’y étais.
Avez-vous observé une différence entre l’Allemagne et la France dans la manière dont les gens percevaient votre projet ?
J’ai rencontré moins de gens en Allemagne mais ceux que j’ai rencontrés se sentaient davantage concernés par mon voyage que ce que j’ai pu ressentir en France. J’ai aussi trouvé qu’ils ressentaient une culpabilité assez forte, notamment les plus jeunes. On sent que cette histoire leur pèse.
L’Allemagne a en tout cas été la meilleure partie du voyage. C’est un pays très intéressant, avec une culture très riche. À un moment, j’ai même envisagé derester là-bas.
Quel a été votre sentiment à votre arrivée à Auschwitz ?
J’ai été déçu, mais c’est en partie car je n’y suis pas arrivé dans de bonnes conditions. J’avais rallongé les dernières étapes car je voulais finir l’aventure, j’en avais marre d’être seul. A mon arrivée, j’étais donc fatigué physiquement.
En ce qui concerne la visite des lieux, je suis assez critique. J’ai opté pour la visite guidée et j’ai trouvé qu’on n’avait pas vraiment le temps d’assimiler les horreurs dont on nous parlait, de les comprendre. On passe de salle en salle avec cette impression qu’on consomme presque le lieu. J’ai trouvé ça dommage.
Sinon, j’ai été curieux de découvrir que c’était un lieu où de nombreux projets dans le genre du mien sont menés. Par exemple, un Italien avait fait tout le trajet à pied depuis l’Italie avec un olivier pour qu’il soit planté à Auschwitz.
Votre aventure vous a-t-elle permis, comme vous le souhaitiez, de faire le point sur vos envies futures ?
C’est en cours (rires). Ça a été une cause de frustration car je nourrissais l’espoir, un peu comme les gens qui font Compostelle, que j’allais avoir une révélation en arrivant à destination, mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Ce n’est qu’après, quand j’étais sur le retour, que des choses me sont apparues.
Cette aventure m’a fait repenser à des choses que j’ai vécues. Au lycée, j’ai été victime de harcèlement. Ça a été une période très difficile car je n’avais plus du tout confiance en moi et je me sentais nul. Et puis, y’a eu un rebond.
Sur le trajet du retour, j’ai pensé à cette idée de résilience. Comment expliquer que certaines personnes se suicidaient mais que d’autres survivaient Auschwitz ? Pour moi aller à Auschwitz, c’était aussi montrer que l’endroit où s’est produit le plus grand drame de l’histoire de l’humanité est aussi le lieu des plus belles preuves d’humanité et des plus fortes preuves de résilience et de courage. Il y a quelque chose à aller chercher dans ces lieux.
J’aimerais poursuivre cette aventure, en organisant peut-être une sorte de pèlerinage mémoriel accessible aux jeunes. J’aimerais rassembler des jeunes car beaucoup se questionnent. Et les lieux de mémoire peuvent amener à trouver des réponses dans nos vies, je pense.