Le 26 février 1942, les nazis procèdent à la rafle de treize personnes à Dijon et Chalon-sur-Saône. Cette journée avait disparu de la mémoire de l’Occupation en Bourgogne mais, en explorant les archives départementales de Côte-d’Or et grâce à des documents familiaux, l’historien Dimitri Vouzelle est aujourd’hui en mesure de raconter cet événement.
Des hommes juifs ciblés par les nazis
Depuis la fin de l’année 1941, les attentats contre l’occupant et les actes de sabotage se multiplient dans la région de Dijon. En représailles, les nazis prennent des otages parmi les civils, prioritairement des communistes et des individus suspects d’actes de résistance, mais aussi des juifs. Soumis à la torture, ils sont presque tous fusillés.
Il ne fait aucun doute que les treize hommes raflés le 26 février 1942 ont été choisis parce qu’ils étaient juifs. En effet, depuis 1940, la législation antisémite oblige les juifs à se signaler et à renseigner leur adresse. Il s’agit de douze Français et d’un Polonais, âgés de 19 à 55 ans, presque tous mariés et pères. Ils sont d’abord détenus dans une prison allemande en Bourgogne avant d’être transférés dans le sinistre camp de transit de Royallieu, près de Compiègne. Sur les treize prisonniers, douze sont ensuite déportés vers Auschwitz par les convoi n°2 et n°58, et le treizième vers Sobibor. Tous y sont assassinés ou tués aux travaux forcés.
Une rafle oubliée remise en lumière
Comment expliquer que cette rafle ait été oubliée? Selon Dimitri Vouzelle, cela s’explique en premier lieu par l’absence de survivant. Dans pareille situation, on pourrait s’attendre à ce que les mémoires familiale et locale entretiennent leur souvenir. Or plusieurs épouses et mères ont été déportées à leur tour, tandis que d’autres familles ont quitté la région. Les cinq familles restées à Dijon ont préféré se montrer discrètes sur cette rafle, soit par pudeur, soit, avance l’historien, parce que le contexte de l’immédiat après-guerre n’était pas encore à la reconnaissance des victimes de la déportation; le moment était en effet davantage propice à la célébration des résistants. Leur sort, qui était progressivement tombé dans l’oubli en Bourgogne, vient ainsi d’être remis en lumière.
L’historien, également enseignement, a travaillé avec ses élèves afin de matérialiser cette rafle dans la ville de Dijon. Il y a désormais onze pavés de mémoire en hommage aux hommes raflés à retrouver partout dans la ville. Avez-vous eu l’occasion de les voir en passant par Dijon?
Source: VOUZELLE, Dimitri, « 26 février 1942 une rafle d’otages à Dijon et à Chalon-sur-Saône : un événement oublié », Annales de Bourgogne, 2023/3 Tome 95, p.155-184.