Cécile DEMBICER

1933-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: , ,

Cécile DEMBICER

 

Ci-contre : Photo de Cécile Dembicer avec son frère Simon vers 1938. (Archives familiales)

 

Nous vous invitons à visiter l’exposition en ligne réalisée par la classe de terminale 4 sur la famille maternelle des enfants Dembicer et Tabak et la réflexion sur le négationnisme menée à l’aide de M. Vincent Geny, professeur de philosophie.
Vous pouvez aussi regarder la cérémonie d’inauguration de l’exposition présentée au lycée le 25 mai 2023.
De même, vous pouvez voir la présentation faite au conseil régional de Strasbourg le 16 mai 2023 par les terminales qui ont participé à un voyage d’étude à Auschwitz.

 

Au début de notre enquête

Lors de la Seconde Guerre mondiale, 6 millions de Juifs sont morts sur les 11 millions qui vivaient en Europe en 1939. Parmi ces morts, se trouvent tous les membres de la famille Dembicer qui vivaient à Metz avant 1939.

Nous sommes les 35 élèves de la classe de seconde 10 du lycée Louis Vincent de Metz. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés à cette famille messine. Grâce à l’aide de Julia Ghisalberti, petite-cousine de Cécile et Simon Dembicer, nous avons pu obtenir de nombreux documents et informations. Elle a réalisé d’importantes recherches et nous a fait découvrir le livre de son grand-père Boumi Brunwasser, Sur le chemin de ma vie, dans lequel il mentionne les 26 membres de sa famille morts pendant la Shoah.

Première et quatrième de couverture du livre Sur le chemin de ma vie, de Boumi Brunwasser.
(Archives familiales)

Pages 80 et 81 du livre Sur le chemin de ma vie, de Boumi Brunwasser.
(Archives familiales)

 

Par ailleurs, nous avons eu la chance de travailler en collaboration avec des élèves du collège Jeanne d’Arc de La Roche-Chalais en Dordogne.

 

Enquête croisée Metz / Saint-Michel-de-Rivière (collège-lycée)

Photo de la classe de troisième du collège Jeanne d’Arc de La Roche-Chalais et de son professeur d’histoire, M. Abdelli.
(année scolaire 2022-2023)

 

Article du journal Sud-Ouest du 28 septembre 2022 annonçant l’inauguration de stèles mémorielles à La Roche-Chalais le 8 octobre 1942.

Depuis le mois de septembre 2022, lorsque nous avons appris qu’il allait y avoir une journée commémorative le 8 octobre à Saint-Michel-de-Rivière, nous avons collaboré avec les collégiens de La Roche-Chalais. En effet La Roche-Chalais regroupe plusieurs anciennes communes dont Saint-Michel-de-Rivière où la famille Dembicer a vécu pendant la guerre. Avec nos camarades, nous avons organisé plusieurs visio-conférences. Ils ont mené une enquête auprès des habitants du village pour avoir des informations sur les Dembicer et sur les familles juives réfugiées pendant la guerre. Ils ont activement participé à la cérémonie du 8 octobre 2022 qui commémorait les 80 ans de la rafle de la salle philarmonique d’Angoulême et au cours de laquelle des stèles commémoratives ont été inaugurées. Parmi les quelque 200 personnes qui participaient à cette journée se trouvaient des survivants mais aussi Julia GHISALBERTI et plusieurs membres de sa famille. Cette collaboration nous a été d’une grande aide.

A Saint-Michel-de-Rivière, le 8 octobre, la cérémonie a débuté à 14 heures trente par l’inauguration de la stèle suivie des discours des élus, de la lecture des noms des victimes d’une minute de silence et d’un dépôt de fleurs. Des conférences d’historiens, des discours des membres des familles et des collégiens ont terminé cette journée.

On remercie énormément nos camarades pour ces mois passés à collaborer et à se tenir informés de nos découvertes mutuelles. Grâce à eux, à Julia et aux documents obtenus de nombreux services d’archives, nous avons pu reconstituer les grandes lignes de la vie de Cécile.

La vie de la famille à Metz

Cécile Dembicer est née le 2 juillet 1933 à l’hôpital Belle-Isle à Metz. Elle est le premier enfant de Rose et Israël Dembicer qui se sont mariés à Metz le 10 novembre 1932, tous deux sont des immigrés.

Rose BRUNWASSER, la mère de Cécile, est née à Bogdan en Tchécoslovaquie le 18 mars 1909. Elle a immigré en France en 1926 avec ses parents et huit de ses frères et sœurs. Toute la famille loge au 37 rue de l’Arsenal dans le quartier juif près de la synagogue. Son père, Zelig, qui était cordonnier est décédé en 1931. Selon les documents, elle est considérée comme couturière ou sans profession. Sur son acte de mariage, elle signe maladroitement son nouveau nom qu’elle orthographie « Brunsser », ce qui laisse supposer qu’elle maîtrise mal l’écriture. On note que deux de ses sœurs sont ses témoins, Hélène et Ida.

Photo de mariage de Rose et Israël Dembicer.
(Archives familiales)

Acte de mariage de Rose et Israël Dembicer le 19 novembre 1932. (Archives municipales de Metz)

Israël Dembicer est né le 22 mars 1903 à Freystak (Pologne) il était tailleur d’habits. D’après sa fiche domiciliaire, il a immigré à Metz le 2 septembre 1930. Lorsqu’il y arrive, il est célibataire. Tout d’abord, il emménage au 33 rue Pétain chez une veuve à qui il loue probablement une chambre. En juillet 1932, peu de temps avant son mariage avec Rose, il s’installe au 32 rue Saint Médard puis en novembre au 18 rue Dupont des Loges. Enfin le 1er décembre 1936 après la naissance de son deuxième enfant Simon (7 juillet 1936), la famille s’installe au 8 rue du Faisan probablement pour avoir un logement plus grand.

Israël et Rose ont gardé leurs nationalités d’origine. Par contre, Cécile a été déclarée française peu de temps après sa naissance en vertu de la loi sur la nationalité de 1927 ce qui n’est pas le cas de son frère Simon né en 1936.

Fiche domiciliaire d’Israël Dembicer.
(Archives municipales de Metz)

Nous ne disposons malheureusement d’aucun témoignage direct qui pourrait nous permettre de connaître la personnalité de Cécile, de Simon, ou de leurs parents, ni d’aucun document ou objet personnel. Par contre, il existe un certain nombre de photos qui suggèrent que les enfants étaient souriants, calmes et montrent qu’ils étaient toujours très bien habillés, ce qui peut se comprendre car leur père était tailleur. A Metz, ils vivaient à proximité de leur grand-mère maternelle, des frères et sœurs de leur mère et de nombreux cousins germains notamment Joseph et Jacques Tabak et les quatre garçons Sobel qui étaient tous à peu près du même âge qu’eux. On peut donc supposer qu’ils ont connu une vie familiale joyeuse.

Photo de famille : Cécile, son frère et ses parents.
(Archives familiales)

Photo de Cécile et Simon.
(Archives familiales)

Couverture du Dossier d’expulsion de Rose BRUNWASSER.
(Fonds de Moscou des archives nationales)

Entre 1936 et 1938, la famille Dembicer vit sous le coup d’une procédure d’expulsion. Celle-ci nous est connue grâce aux archives du fonds de Moscou, c’est un ensemble d’archives policières qui ont été emportées en Allemagne pendant l’Occupation puis saisies par l’URSS à la fin de la guerre avant d’être rendues à la France dans les années 1990 après la fin de la Guerre Froide. Au 18 rue Dupont des Loges, les Dembicer ont eu de violentes altercations avec leurs voisins. En décembre 1935, Israël est accusé d’avoir traité un de leurs voisins de « souteneur », une de leur voisine de « salope » et d’avoir dit qu’il « s’asseyait sur les Français ». Rose est accusée d’avoir soutenu son mari. Une décision d’expulsion est prononcée contre eux en vertu de la loi du 3 décembre 1849 qui indique qu’en cas de trouble, il faut prendre des mesures d’éloignement des étrangers du territoire français. La préfecture de Moselle laisse aux époux un délai de 8 jours pour quitter le territoire. Un argument supplémentaire est qu’en cette période de crise économique, il y a trop de tailleurs étrangers à Metz qui concurrencent le travail des tailleurs français.

Finalement, l’expulsion n’a pas eu lieu. Deux arguments principaux ont joué en faveur de la famille. Premièrement, Rose était enceinte de Simon, deuxièmement, Cécile était de nationalité française donc, non expulsable. La famille a obtenu plusieurs délais de 3 mois. Et en 1938, on a estimé que finalement ils n’avaient plus posé de problèmes d’autant plus qu’ils avaient déménagé entre temps.

Ce dossier d’expulsion nous permet par ailleurs de connaître quelques détails physiques sur Israël et Rose. On peut voir leurs empreintes digitales mais surtout, on apprend que Rose mesure 1m55, qu’elle a les cheveux marron qui grisonnent, que ses sourcils sont châtain clair, qu’elle a le nez rond, une petite bouche et un visage ovale. Quant à Israël, on apprend qu’il mesure 1m60, qu’il a les cheveux et des sourcils châtain, la barbe rasée, le front fin et le visage ovale.

Paradoxalement, c’est ce dossier d’expulsion qui nous permet de disposer de certains détails physiques et moraux qui permettent de connaître un peu mieux les parents de Cécile.

Certificat de notification d’expulsion d’Israël DEMBICER.
(Fonds de Moscou, Archives nationales)

Rapport d’enquête sur les époux DEMBICER.
(Fonds de Moscou, Archives nationales)

Document datant du 19 septembre 1936, provenant de la préfecture de Police.
(Fonds de Moscou, Archives nationales)

Description physique d’Israël DEMBICER.
(Fonds de Moscou, Archives nationales)

Description de Rose DEMBICER.
(Fonds de Moscou, Archives nationales)

Après cette période relativement tranquille à Metz, la famille est confrontée à la Seconde Guerre mondiale.

La famille déplacée pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1942)

La Seconde Guerre mondiale est déclarée le 3 septembre 1939. Comme beaucoup de familles messines et notamment des familles juives, les Dembicer sont partis se réfugier à Royan en Charente Inférieure à une date que l’on ignore cependant.

  • La famille réfugiée à Royan (1940)

A Royan, nous disposons de plusieurs documents de recensement qui attestent de la présence de la famille Dembicer dans la deuxième moitié de 1940. Une grande partie de la famille de Rose y est aussi présente. On apprend que la famille loge dans une maison appelée « Carita » dans l’avenue de la Triloterie.

Israël n’est pas avec sa famille car il est engagé dans la légion étrangère en zone libre. C’est d’ailleurs son beau-frère Salomon Tabak qui signe la fiche de recensement à sa place. Hormis Cécile, les membres de la famille sont considérés comme apatrides.

Fiche de recensement de la famille Dembicer à Royan en 1940. (Archives départementales de Charente Maritime)

Fiche de recensement de la famille Dembicer à Royan en 1940. (Archives départementales de Charente Maritime)

Liste des engagés volontaires de septembre 1939 à mai 1940.
(Site Mémoire des hommes)

En novembre 1940, les autorités allemandes interdisent le littoral atlantique aux Juifs. La famille Dembicer est alors envoyée vers le petit village de Saint-Michel-de-Rivière.

  • La famille déplacée à St Michel de Rivière (fin 1940/ fin 1942)

La commune de Saint-Michel-de-Rivière se trouve en Dordogne occupée à quelques kilomètres de la ligne de démarcation. Grâce à l’enquête de nos camarades du collège Jeanne d’Arc, nous savons que 70 personnes juives étaient réfugiées dans les villages qui forment actuellement la commune de La Roche-Chalais.

Carte montrant la localisation de Saint-Michel-de-Rivière pendant la Seconde Guerre mondiale.

A Saint-Michel-de-Rivière, la famille occupe une petite maison. L’enquête des collégiens ne nous a pas permis d’apprendre plus de choses sur la famille en elle-même mais ils ont pu nous dire que les familles juives étaient bien intégrées à la vie du village, que les enfants étaient scolarisés et qu’ils jouaient et avaient noué des liens d’amitié avec les enfants de l’école. En 2018, Julia Ghisalberti avait rencontré M. Gautrias, décédé début 2023 celui-ci se souvenait bien d’Israël qu’il décrivait comme un homme avenant, jovial, bavard et il dit de lui qu’il continuait à exercer sa profession de tailleur au village. Rose était par contre beaucoup plus réservée, elle parlait assez mal le français.

Un recensement fait en juillet 1942 montre que Sura Brunwasser, la mère de Rose est également présente au village ainsi que la famille Kriegsmann dont la mère Ida semble être une cousine de Rose. Sura n’était cependant pas mentionnée dans le précédent recensement qui datait probablement de fin 1941. On sait par ailleurs que quelques semaines plus tard, elle est dans les Pyrénées Atlantiques avec son fils Willy et la famille de celui-ci qui vivait jusque-là à Angoulême. On peut supposer qu’après avoir récupéré sa mère à Saint-Michel-de-Rivière, Willy a franchi la ligne de démarcation et s’est fait arrêter à ce moment-là ou juste après.

Recensement des Juifs refoulés de Charente Inférieure à Saint-Michel-de-Rivière en juillet 1942.
(Archives départementales de Dordogne).

Depuis le 8 octobre 2022, une stèle rend hommage à toutes les familles juives ayant vécu au village entre 1940 et 1942. Cette date n’a pas été choisie au hasard, elle commémore le 80ème anniversaire de la rafle d’Angoulême qui a bouleversé la vie de la famille Dembicer.


Kakémono de la stèle de Saint-Michel-de-Rivière
(photographie prise le 8 octobre 2022)

La famille disloquée (1942-1943)

  • La rafle d’Angoulême (8 octobre 1942)

Le 9 octobre 1942, au matin, Israël est arrêté par la gendarmerie française ainsi que les autres personnes juives du village pour être emmenés à la salle philharmonique d’Angoulême. Au total, 422 personnes de toute la Charente et de la Dordogne occupée sont rassemblées dans cette salle dans des conditions difficiles. Israël y retrouve la sœur de Rose, Léa Tabak avec son mari et leurs trois filles. Ils y restent quelques jours avant de partir pour Drancy le 15 octobre puis pour Auschwitz par le convoi 40 le 4 novembre 1942. Tous y meurent probablement dès leur arrivée. Rose étant enceinte, elle n’est pas arrêtée et reste au village avec ses deux enfants. L’enquête de nos camarades montre que les habitants du village ont été surpris de ne plus voir du jour au lendemain ces familles juives qui leur étaient devenues familières.

Plaque commémorative de la rafle de la salle philharmonique d’Angoulême du 8 octobre 1942.

Quelques mois plus tard, le 29 décembre 1942, Rose donne naissance à son deuxième fils Jacques. Cette naissance est enregistrée dans l’état-civil de Saint-Michel-de-Rivière. Grâce au témoignage de M. Gautrias on sait que Rose était en mauvaise santé et était aidée par une dame. Il s’agit probablement de Mme Bourdée, la sage-femme du village. Par ailleurs, le registre des délibérations du conseil municipal indique que le 11 avril 1943, l’aide médicale gratuite est accordée à Rose. On peut supposer qu’en l’absence totale de nouvelles de son mari, privée de revenus, seule avec trois jeunes enfants, éloignée de sa famille et entourée de personnes avec qui elle avait du mal à communiquer, Rose a vécu des mois très difficiles.

Acte de naissance de Jacques Dembicer le 29 décembre 1942. (Registre d’état-civil de Saint-Michel-de-Rivière)

On apprend que le 6 mai 1943, Rose et son bébé Jacques sont internés au camp de la route de Limoges à Poitiers. Simon rejoint sa mère et son frère le 8 mai alors que Cécile est placée dans une famille.

Extrait du registre du camp de Poitiers.
(Archives départementales de la Vienne)

  • Cécile à Poitiers en mai 1943

Bordereau mentionnant le placement de Cécile chez Madame Dorn.
(Archives départementales de la Vienne)

Le 6 mai 1943 Cécile Dembicer et Rachel Eisenberg, autre fillette messine réfugiée dans le village voisin de Saint-Michel-l’Ecluse-et-Léparon, sont placées dans la famille Dorn au 6 rue Saint-Fortunat à Poitiers. Cécile retrouve donc sa tante Rachel, l’épouse de son oncle Mayer Brunwasser, qui est prisonnier de guerre. Elle n’est donc pas en milieu inconnu. Si Cécile n’est pas internée au camp comme Simon, c’est certainement en raison de sa nationalité française qui, à ce moment-là semble-t-il, la préserve de la déportation.

Le séjour de Cécile et Rachel chez les Dorn n’est que de courte durée puisque le 24 mai 1943, elles sont à leur tour internées au camp de la route de Limoges à Poitiers. Cécile y retrouve probablement sa mère et ses deux jeunes frères. Cependant dès le 26, ceux-ci sont transférés à Drancy et Cécile fait partie des 67 enfants qui quittent le camp de Poitiers à destination du centre Lamarck à Paris. Cela signifie qu’à partir de ce jour, elle ne revoit plus jamais sa mère et son frère Jacques.

Extrait du registre du camp de Poitiers. Contrairement à ce qui est indiqué sur cette page, ces enfants ne sont pas transférés à Drancy mais au centre Lamarck le 26 mai 1943.
(Archives départementales de la Vienne)

  • Rose et Jacques à l’hôpital Rothschild. 29 mai – 3 juillet 1943

Anna Tostivint, élève de troisième du collège François Villon de Saint-Fargeau-Ponthierry en Seine-et-Marne, effectue des recherches sur l’histoire d’Eugénie Yahia. Grâce à elle, nous avons appris que, depuis Drancy, Rose et son bébé avaient été admis à l’hôpital Rothschild du 29 mai au 3 juillet 1943.

Extrait du registre des admissions de l’hôpital Rothschild.
(Archives de l’AP-HP)

Photo de l’Hôpital Rothschild au début du XXe siècle.

 

Fondé en 1852, cet hôpital est placé sous une direction agréée par l’occupant allemand pendant la guerre et devient un centre de détention pour les malades juifs avant qu’ils ne soient déportés. Beaucoup de femmes juives y accouchaient. Ce n’est pas le cas de Rose mais cette hospitalisation confirme que, comme on l’avait vu à Saint-Michel-de-Rivière, elle était en mauvaise santé.

Plaque commémorative en l’honneur des internés juifs de l’hôpital Rothschild.

Sachant que Mmes Yahia et Dembicer ont été hospitalisées aux mêmes dates, Anna Tostivint nous a également fourni cette photo prise à l’hôpital où figurent Mme Yahia et son bébé. Il nous est alors apparu clairement que Rose est la dame tout à droite. C’est donc la dernière photo connue de Rose et la seule photo qui existe de Jacques. Jusqu’à présent personne n’avait de photo de lui. De ce fait, c’est un document particulièrement important pour toute sa famille et pour nous. Cette photo où Rose apparaît souriante avec Jacques qui semble en bonne santé est d’autant plus émouvante qu’on sait que quelques semaines plus tard, le 18 juillet 1943, ils sont déportés sans retour par le convoi 57. Jacques n’a qu’un peu plus de six mois.

Photo prise à l’hôpital Rothschild en juin 1943. Rose et Jacques sont tout à droite.
(Mémorial de la Shoah)

  • Cécile au centre Lamarck

Cécile intègre le centre UGIF Lamarck à Paris le 27 mai 1943. Ce même jour, le directeur du centre adresse au courrier au service du ravitaillement du 18ème arrondissement de façon à obtenir en urgence des cartes d’alimentation pour les 67 enfants qui arrivent et qu’il ne sait comment nourrir. Il insère la liste des enfants dans ce courrier. Le registre du centre indique que Cécile n’y reste que quelques jours puisqu’elle le quitte définitivement le 7 juin probablement pour le centre UGIF de Louveciennes. A priori, Simon entre à son tour au centre de Louveciennes le 1er juillet 1943. Après avoir été « libéré » de Drancy le 12 juin, il était au centre Lamarck.

Courrier adressé par le directeur du centre Lamack au chef du service de ravitaillement du 18ème arrondissement le 27 mai 1943. (Mémorial de la Shoah)

   

Registre du centre Lamarck.
(Centre Israélite de Montmartre)

  • Cécile au centre de Louveciennes

Nous disposons de quelques documents sur les mois passés par Cécile au centre de Louveciennes dans le Séjour-de-Voisins jusqu’à fin 1943 puis dans une villa de la rue de la Paix à partir du 1er janvier 1944. Sur cette photo où on voit un groupe d’enfants dont certains n’ont séjourné au centre qu’en septembre 1943, on reconnaît Cécile et Simon. C’est donc la dernière photo connue des deux enfants. Par ailleurs, la directrice de l’école Leconte de Lisle a retrouvé une page du registre d’appel de mai 1944 qui montre que Cécile était bien scolarisée en cours moyen dans cette école avec d’autres enfants du centre. On sait aussi que leurs cousins germains, Joseph et Jacques Tabak ont passé le mois d’août 1943 à Louveciennes. Pour les quatre enfants, ces quelques semaines passées ensemble ont dû représenter une parenthèse heureuse au milieu de tous les bouleversements connus depuis 1940.

Photo prise à Louveciennes en septembre 1943.
(Collection Henry Schumann)

Registre d’appel de l’école primaire de Louveciennes pour le mois de mai 1944. On note que l’école a été fermée quelques jours pour permettre le passage du CEP (Certificat d’Etudes) et du DEPP (Diplôme d’Etudes Primaires Préparatoires, diplôme n’ayant existé que pendant la période de Vichy).
(Ecole Leconte de Lisle de Louveciennes)

Cette période à Louveciennes est donc relativement longue pour les deux enfants et marque une certaine stabilité. Elle s’achève brutalement en juillet 1944.

L’arrestation et la déportation de Cécile (juillet 1944)

Le 22 juillet 1944 au matin, tous les enfants du centre de Louveciennes sont brutalement réveillés, arrêtés et envoyés à Drancy. Cécile et Simon sont logés enregistrés et logent ensemble dans la chambrée 3 de l’escalier 6. Tous les enfants des différents foyers de l’UGIF étant arrêtés sur ordre du commandant de Drancy, Aloïs Brunner, ils retrouvent ce même jour leur cousin Joseph Tabak, arrêté au centre Secrétan puis le lendemain, son frère Jacques, arrêté à La Varenne.

Plaque commémorative de la rafle du 22 juillet 1944 apposée devant le Séjour-de-Voisins à Louveciennes.

Fiche d’internement de Cécile à Drancy.
(Mémorial de la Shoah)

Cahier de mutation du camp de Drancy à la date du 22 juillet 1944. (Mémorial de la Shoah)

Photo et plan du camp de Drancy.
(Mémorial de la Shoah)

A Drancy, on sait que les conditions de vie au sein du camp étaient très difficiles entre mauvaise hygiène, maladies, mauvaise alimentation, incertitude quant à l’avenir… Comme le montrent les documents ci-dessus, le camp était gardé par des gendarmes français qui étaient eux-mêmes sous la responsabilité du préfet de police de l’époque. Le lieu n’a pas été choisi par hasard. C’était un immeuble HBM (Habitations Bon Marché) encore en cours de construction en 1941.Sa forme de U permet de le transformer très facilement en centre de détention.

Le 31 juillet 1944, les quatre cousins font partie du convoi 77 à destination d’Auschwitz. Ils font un dernier passage près de Metz. Le train s’arrête en effet à Novéant, première gare mosellane, donc première gare allemande à l’époque, où il change de chauffeur et où la locomotive est réapprovisionnée. Le train arrive à Auschwitz le 3 août. Cécile, son frère et ses cousins y sont envoyés à la chambre à gaz. La date officielle de leur décès est fixée au 5 août 1944.

Photo de la stèle installée en 2016 près de la gare de Novéant en mémoire des convois de déportation qui se sont tous arrêtés là.

ADDENDUM : juin 2024, classe de terminale 7

Lors de la présentation des travaux réalisés au cours de l’année 2023-2024 sur Justin Wiesel et Rachel Eisenberg, Alain Brunwasser, cousin de Cécile et Simon Dembicer, a attiré notre attention sur cette photographie qui appartient à sa famille.

Elle avait été communiquée l’an passé à nos camarades qui travaillaient sur Cécile et Simon mais elle n’avait pas retenu leur attention car le lieu et plusieurs personnages restaient inconnus. On reconnaissait bien au premier plan Isaac et Rosa Dembicer, Cécile, Simon dans la poussette et tout à droite Abraham Sobel, époux d’Hélène Brunwasser, une des sœurs de Rosa. En raison de l’âge des enfants, cette photo peut être datée de 1937 ou 1938. La boutique de tailleur devant laquelle elle est prise n’est manifestement pas celle d’Isaac, le couple devant la porte est inconnu, le petit garçon habillé de façon très semblable à Cécile aussi. On supposait qu’il pouvait s’agir d’un des quatre garçons Sobel mais sans certitude.

L’enquête sur Justin permet de mieux comprendre la photographie. A l’arrière-plan, on peut lire sur la porte d’entrée de la boutique le début du nom « Wies.. » devancé d’un D. La boutique serait donc celle de David Wiesel, le père de Justin, qui était tailleur à Thionville. On reconnaît d’ailleurs celui-ci devant la porte. A côté de lui, on peut légitimement supposer qu’il s’agit de son épouse Catherine dont nous ignorons les traits. A côté de Cécile, le petit garçon pourrait être Justin, les deux enfants étant tous deux du même âge. Nous aurions ainsi une deuxième photo de Justin.

Même s’il est difficile d’affirmer avec certitude que cette photo montre Justin et sa mère, elle confirme les liens probablement amicaux que nous pressentions entre les Wiesel et les différents membres de la famille Brunwasser. Catherine Wiesel était en effet originaire de Rakhiv, où la famille Brunwasser vivait avant d’immigrer en France. A Thionville, elle restait en contact avec au moins trois des sœurs qui vivaient à Metz : Rosa Dembicer, Hélène Sobel et Léa Tabak. Elles se sont sont ensuite retrouvées à Royan. De 1940 à 1942, Catherine Wiesel vit à Mareuil tout près de Léa Tabak, elles sont arrêtées le même jour et leurs garçons échappent de justesse à l’arrestation. Quelques mois plus tard, Justin, Joseph et Jacques retrouvent Cécile et Simon, les enfants de Rosa, avant d’être déportés dans le convoi 77.

This biography of Cécile DEMBICER has been translated into English.

Contributeur(s)

Cette enquête a été réalisée par les élèves de Seconde 10 du lycée Louis Vincent à Metz, sous la direction de leur professeur d'Histoire-Géographie, M. Bruno Mandaroux, en coordination avec ses collègues documentalistes Marie-Hélène Michel et Gaëlle Chauveaux.

Reproduction du texte et des images

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