Justin WIESEL

1933-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Justin WIESEL

Photographie de Justin Wiesel au Centre UGIF Lamarck (1943 ou 1944)
(Collection Serge Klarsfeld, Mémorial de la Shoah)

Nous sommes la classe de Terminale 7 du lycée Louis Vincent de Metz et cette année nous avons remonté le temps pour retracer l’histoire de Justin Wiesel, un jeune Thionvillois victime de la Shoah, déporté par le convoi 77. Nous avons débuté notre enquête à partir du dossier réalisé à la demande de son oncle au lendemain de la guerre pour établir sa déportation dans les camps de la mort et d’une photographie de Justin prise au centre Lamarck à Paris en 1943 ou 1944. A partir de ces deux éléments, nous avons reconstitué son itinéraire depuis sa naissance à Thionville en 1933 jusqu’à sa mort à Auschwitz en 1944.

I. Justin un « non-rentré »

Nous retrouvons la trace de Justin Wiesel dans un dossier de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC) du Service Historique de la Défense à Caen puisque son oncle Eizik Wiesel avait fait une demande officielle auprès du Ministère des Anciens Combattants et des Victimes de la Guerre pour faire reconnaitre le décès de son neveu. Cette demande avait été déposée à Metz le 3 octobre 1946. Jusque-là le jeune garçon était considéré comme « non rentré ». Cette expression désignait à l’époque la situation de nombreuses personnes déportées durant la guerre dont on n’avait aucune nouvelle malgré la libération des camps. Leur statut s’avérait donc incertain puisqu’elles étaient officiellement vivantes et qu’on ne disposait d’aucune preuve formelle de leur décès.

Extraits de la demande de régulation de l’état-civil de Justin Wiesel déposée par Eizik Wiesel en 1946 et fiche de recherche (DAVCC du Service Historique de la Défense de Caen)

Le dossier de Justin Wiesel, portant le numéro 39.773, indique qu’il a été raflé le 27 juillet 1944 par la Gestapo à Paris, transféré à Drancy et par la suite, certainement emmené à Auschwitz. En janvier 1947, l’enquête conclut que Justin est « décédé de la déportation » le 4 août 1944, supposément à Auschwitz en Pologne et un acte de décès est établi. Celui-ci est transcrit le 28 janvier de la même année dans les registres communaux de Mareuil en Charente, sa dernière résidence connue. La mairie nous a communiqué ce document. Nous pouvons imaginer que la reconnaissance de la mort de son neveu a permis à son oncle de faire son deuil voire de régler la succession de son frère.

 

Extrait de l’acte de décès de Justin Wiesel du 14 janvier 1947(DAVCC du Service Historique de la Défense de Caen) et transcription sur les registres d’état-civil de la mairie de Mareuil (Charente)

Ce dossier nous donne des informations sur la disparition de Justin et nous fournit de précieux renseignements sur sa vie. Toutefois, grâce à notre enquête, nous avons pu compléter et parfois rectifier les informations.

II. Les premières années de vie à Thionville

Nous allons désormais reconstituer plus précisément le parcours de Justin. Grâce à son acte de naissance et à la fiche domiciliaire de son père, tous deux conservés aux archives municipales de Thionville, ainsi qu’à un recensement des réfugiés juifs établi à Royan le 15 octobre 1940, nous pouvons avoir une idée de ce qu’était la vie de la famille Wiesel avant la Seconde Guerre mondiale.

Ses parents sont David Dub dit Wiesel et Catherine Auszesmann, de son nom de jeune fille, tous deux sont de confession juive et d’origine tchécoslovaque. Son père a ainsi vu le jour le 26 mai 1900 à Velky Bokhov, localité aujourd’hui ukrainienne. Sa mère est née à Rahovo le 11 mars 1902. Il pourrait s’agir de Rakhiv, ville située à 35 kilomètres de Velky Bokhov en Ukraine aussi. D’après le recensement de Royan, ses parents quittent la Tchécoslovaquie et emménagent en France respectivement en 1925 et 1928. Nous n’avons cependant aucune explication sur cette arrivée différée en France et nous ignorons où et quand ils se sont rencontrés et mariés. Ce n’est en tout cas ni à Thionville ni à Metz. D’après sa fiche domiciliaire, David arrive à Thionville en 1931 depuis Metz mais aucune fiche domiciliaire à son nom n’existe dans cette ville. Dans le couple, seul David travaille en tant que tailleur. Il travaille au 168ème Régiment d’Infanterie de Thionville.

Recensement des familles israélites réalisé par la mairie de Royan précisant les informations et dates d’arrivée en France des parents de Justin (Archives départementales de Charente-Maritime)

Fiche domiciliaire de David Dub dit Wiesel (Archives municipales de Thionville)

En 1933, le couple est domicilié au 34 rue du Maréchal Joffre et Justin Wiesel naît le 19 janvier de la même année. Il voit le jour au 7 rue Laydecker, à l’ancien hôpital Beauregard, dans le quartier du même nom. La fiche domiciliaire précise que conformément à l’article 3 de la loi du 10 août 1927, grâce à sa naissance sur le sol français et à la demande de ses parents, Justin se voit accorder la nationalité française. Il est le seul enfant du couple. Nous avons contacté la communauté israélite de Thionville mais personne ne se souvient de la famille Wiesel ni du frère de David, Eizik, qui semble avoir vécu dans l’ancien appartement de son frère après la guerre.

Acte de naissance de Justin Wiesel du 21 janvier 1933 dans le registre d’état civil (Archives municipales de Thionville)

Eizig (ou Eizik) Leib Wiesel est aussi né à Velky Bokhov le 6 avril 1903. Nous avons trouvé deux fiches domiciliaires à son nom aux archives municipales de Metz. On y apprend qu’il arrive directement de sa ville natale en décembre 1926, qu’il occupe plusieurs logements successifs notamment le 11 rue du Pontiffroy en 1933-1934 où il semble loger chez les Tabak, famille étudiée par une autre classe du lycée l’an dernier. Léa Tabak, mère de cette famille que nous retrouverons dans la suite de l’enquête, avait vécu quelques années à Rakhiv où elle a pu connaître la mère de Justin. Eizik est célibataire, il exerce la profession de repasseur. On apprend qu’il quitte Metz pour une destination inconnue en janvier 1940. C’est lui qui entreprend des démarches après la guerre pour faire établir le décès de son neveu. Il semble alors résider à l’ancienne adresse de son frère. On ne retrouve par contre plus aucune trace de lui après.

Fiche domiciliaire d’Eizik Leib Wiesel (Archives municipales de Metz)

III. Le départ pour Royan

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Thionville, de par sa proximité avec l’Allemagne, est menacée d’une invasion. Selon le site Chemins de Mémoire, la ville est évacuée le 10 mai 1940 alors que les zones plus proches de la frontière l’ont déjà été. La fiche domiciliaire ne mentionne pas de date de départ pour la famille mais précise que David est parti le 26 janvier 1940 à Agde, dans l’Hérault pour rejoindre l’armée tchécoslovaque.
Pour comprendre l’origine de cette armée, il faut revenir à la crise des Sudètes et à la signature des accords de Munich les 29 et 30 septembre 1938 et à l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne en mars 1939. Ces événements conduisirent au départ d’une grande partie de la classe politique et de l’armée tchécoslovaque pour la France. Dès 1939, une armée tchécoslovaque y fut reconstituée et en novembre de la même année, la mobilisation des citoyens tchécoslovaques fut proclamée. Le camp d’Agde, proche de la ville de Béziers, fut désigné comme point de regroupement principal. C’est bien à cette période que David Wiesel fut mobilisé. En mai 1940, l’armée tchécoslovaque ne comptait pas moins de 11 000 soldats qui par la suite participèrent à la bataille de France au côté des Alliés.
Le Centre des archives du personnel militaire de Pau nous a fourni les pièces dont il dispose sur l’engagement de David dans cette armée en particulier sa fiche de démobilisation qui date du 10 août 1940. On y apprend que David est soldat de deuxième classe, qu’il est engagé dans l’artillerie depuis le 27 janvier et qu’une fois démobilisé, il part pour Limoges au 13 rue Elibert. En tant qu’étranger, il ne peut bénéficier d’une prime de démobilisation et ne peut exercer d’emploi salarié en France. Ce document nous permet aussi d’avoir une photographie de David.

Comme la fiche domiciliaire ne mentionne pas la date du départ de Justin et de sa mère, on peut supposer qu’ils ne sont partis qu’après le départ de David pour Agde, peut-être même en urgence en mai 1940 lorsque l’Allemagne lance son offensive éclair. Cela pourrait expliquer que les employés municipaux n’aient pas eu le temps d’enregistrer ce départ. Ils s’installent à Royan, une station balnéaire de Charente-Inférieure où se réfugient comme eux de nombreux Lorrains de confession juive. Le 15 octobre 1940, comme tous les Israélites de la ville, à la suite d’une ordonnance du chef de l’Administration militaire dans les Territoires Français occupés, la famille est recensée. Elle réside à la Villa « Caseta », Avenue de la Triloterie. C’est Catherine qui signe la fiche de recensement puisque son mari est « retenu en zone libre car mobilisé » donc probablement encore à Limoges. Ce recensement prépare en fait l’expulsion des Juifs du littoral atlantique qui survient quelques semaines plus tard.

Fiche de démobilisation de David Dub-Wiesel du 10 août 1940. (Service historique de la Défense, Centre des archives du personnel militaire de Pau)

Fiche de recensement de la famille Wiesel à Royan le 15 octobre 1940 (Archives départementales de Charente-Maritime)

IV. La vie à Mareuil jusqu’à la rafle

Lorsque le littoral atlantique est interdit aux Juifs, les Wiesel sont envoyés dans le village de Mareuil en Charente, probablement en novembre 1940. On ignore si David avait rejoint sa femme et son fils à Royan ou s’il les retrouve à Mareuil. Huit autres familles juives sont aussi assignées dans ce village notamment les Tabak chez qui Eizik, le frère de David avait logé quelques années auparavant.
Dans son livre Les Chemins pour l’enfer, Raymond Troussard, qui a recueilli de nombreux témoignages, explique que les familles sont très bien intégrées dans la communauté mareuillaise à tel point qu’elles ne respectent pas le port de l’étoile juive, imposé par le régime de Vichy en juin 1942. Justin fréquente l’école du village comme ses camarades, Joseph et Jacques Tabak.

C’est d’ailleurs lorsque les enfants sont à l’école, le matin du 8 octobre 1942, que quatre gendarmes venus à bicyclette de Rouillac se rendent chez les familles juives de Mareuil et leur demandent de se regrouper à la mairie qui, comme c’était fréquemment le cas à l’époque, se trouvait dans le même bâtiment que l’école. Elles doivent être emmenées par car à Angoulême.

Plaque commémorative en honneur des 9 familles juives arrêtées à Mareuil en octobre 1942, apposée sur la façade de l’ancienne mairie de Mareuil. Ancienne mairie-école de Mareuil. (site Mareuil Patrimoine de Cognac)

Toujours selon Raymond Troussard, Justin échappe à ce transfert vers Angoulême grâce à l’intervention de l’instituteur communal, M. Jean Robert, qui s’y oppose fermement en arguant de sa nationalité française. Le chef de brigade Belfis décide alors de l’épargner, ainsi que les deux autres jeunes élèves juifs français, Joseph et Jacques Tabak. Avant son départ, il prend même soin de les placer en familles d’accueil. Les deux jeunes Tabak sont placés chez les Marolleau, tandis que Justin est pris en charge par la famille Mary. Malgré nos tentatives à Mareuil, nous n’avons pas pu retrouver la trace de cette famille. Quant à l’instituteur, il aurait fait ranger ses élèves pour qu’ils saluent une dernière fois leurs camarades juifs non français. Selon toute vraisemblance, Justin, qui n’a pas encore dix ans, ne voit plus ses parents à partir de ce jour.
Les personnes juives non françaises de Mareuil, dont les parents de Justin, sont emmenées à Angoulême où elles sont rassemblées dans la Salle Philharmonique. Selon la plaque commémorative inaugurée en 2012, c’est au total 387 juifs qui ont été raflés dans toute la Charente le 8 octobre 1942. Tous ou presque sont ensuite transférés au camp de Drancy le 15 octobre, puis déportés à Auschwitz-Birkenau le 4 novembre 1942 par le convoi n°40.

Plaque commémorative en honneur des victimes de la rafle du 8 octobre 1942, apposée sur la façade du conservatoire de musique d’Angoulême, ancienne salle philharmonique.

Fiches d’internement à Drancy de David et Catherine Wiesel (Mémorial de la Shoah).

Nous disposons des fiches d’internement à Drancy de David et de Catherine et ils figurent dans la liste du convoi 40. Plus aucune mention de David n’est retrouvée par la suite, ce qui laisse supposer qu’il est mort durant le trajet ou dès son arrivée à Auschwitz. Par contre, les archives d’Arolsen nous ont communiqué un acte de décès établi au nom de Catherine en date du 9 décembre 1942 précisant qu’elle est décédée d’un « œdème pulmonaire suite à une pneumonie». On en conclut qu’elle a été sélectionnée pour entrer dans le camp de concentration où elle n’a survécu qu’un mois. Cette durée correspond à l’espérance de vie moyenne d’un interné à Auschwitz. Le décès est très probablement lié aux mauvais traitements et aux mauvaises conditions de vie ainsi que de travail qu’elle a endurés.

Acte de décès de Catherine Wiesel du 9 décembre 1942 à Auschwitz (Archives d’Arolsen)

Nous ignorons jusqu’à quelle date Justin est resté dans la famille Mary. Nous savons que les garçons Tabak sont dans deux familles à Cognac à partir de janvier 1943 et y sont scolarisés. En revanche, le parcours de Justin durant cette période est inconnu. Il reste probablement dans une famille en Charente puisqu’il est transféré à Paris le 9 juin 1943 en même temps que les autres enfants juifs du département.

V. Du centre Lamarck à la déportation

D’après le témoignage de Joseph Niderman rapporté par son frère Richard, le 6 juin 1943, l’UGIF ordonne d’envoyer à Paris tous les enfants juifs du département de la Charente y compris ceux qui se trouvent en zone libre. Les enfants sont d’abord rassemblés dans des hangars ou des halles à Angoulême, puis envoyés à Paris au centre Lamarck le 9.

L’UGIF (Union générale des Israélites de France) est une association fondée, sur injonction des Allemands, par une ordonnance du gouvernement de Vichy du 29 novembre 1941. Elle vise à identifier plus facilement les Juifs et à créer une seule communauté pour mettre fin au processus d’assimilation à la nation française. Elle propose aussi des structures d’assistance, à une époque où les exclusions professionnelles et les rafles sont nombreuses.

Justin Wiesel est ainsi envoyé au centre Lamarck, centre UGIF n°28, et y est enregistré le 9 juin 1943, à 17 heures. Il s’agit d’un foyer près du Sacré Cœur à Montmartre, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, qui accueille des enfants après les grandes rafles de 1942. Les enfants étrangers ou nés de parents étrangers, comme Justin, y sont fichés et « déportables » à tout moment.

Pages du registre du centre Lamarck présentant les enfants dans l’ordre d’inscription au centre
À la date du 9 juin 1943 (Crèche Israélite de Montmartre)

Dans le registre du centre Lamarck, on constate que les enfants ne sont pas inscrits par ordre alphabétique, mais dans leur ordre d’arrivée. Justin est enregistré ainsi très près des enfants Tabak, laissant supposer une certaine proximité entre eux. On peut même imaginer qu’ils se soutenaient mutuellement.

Procès-verbaux présentant les listes des enfants autorisés à sortir du centre Lamarck « 28 » les dimanches 27 juin 1943, ainsi que le 4, 11 et 18 juillet 1943 (Mémorial de la Shoah)

Le nom de Justin Wiesel apparaît sur les listes des enfants autorisés à sortir les dimanches 27 juin 1943, 4, 11 et 18 juillet 43. Pour chacune de ces sorties dominicales destinées à redonner aux enfants un semblant de vie de famille, Justin se rend dans la famille Winterman au 6 rue Félix Terrier. A chaque fois, il y est avec Joseph et Charlotte Niderman, tous deux originaires de Forbach. La famille Winterman compte plusieurs enfants dont une fille, Lucienne, qui a également été déportée par le convoi 77 mais qui a survécu.

Procès-verbal des sorties du centre Lamarck du 6 août 1943 (Mémorial de la shoah)

Le 6 août 1943, soit 4 jours après les Tabak, Justin quitte, en compagnie de deux autres enfants, le centre Lamarck pour celui de Louveciennes, situé dans le département de la Seine-et-Oise, aujourd’hui les Yvelines. Il s’agissait du centre n°56, le « Séjour de Voisins », un ancien orphelinat agricole aménagé en maison d’enfants à la campagne par l’UGIF. Beaucoup d’enfants du centre Lamarck y ont été envoyés en séjour de vacances durant l’été 1943.
Le 3 septembre 1943, le jeune Justin revient à nouveau au centre Lamarck, en même temps que Jacques et Joseph Tabak. On peut supposer que, comme beaucoup d’autres enfants du centre, les trois garçons ont ensuite été scolarisés à l’école Lucien De Hirsch dans le 19e arrondissement. C’est probablement pour compléter son dossier scolaire que la seule photographie connue de Justin, présentée au début de ce dossier, a été prise.
Le 20 avril 1944, un bombardement touche le nord de Paris et détruit partiellement le centre Lamarck. De nombreux enfants, dont Justin, sont donc envoyés dans un autre centre de l’UGIF, à l’école de Lucien De Hirsch, 71 avenue Secrétan, qui est alors transformée en internat.

Procès-verbal des entrées et sorties du centre Lamarck du 3 septembre 1943 (Mémorial de la Shoah)

Photographies des dégâts causés par le bombardement allié de la nuit du 20 au 21 avril 1944 dans le 18e arrondissement (Dossier photographique commandé par la direction des services techniques de la voirie parisienne, Louis Silvestre, archives de Paris)

Page du registre du centre Lamarck mentionnant le retour de Justin de Louveciennes en septembre 1943 et son départ définitif le 21 avril 1944. (Centre Israélite de Montmartre)

Quelques semaines avant la Libération de Paris, dans la nuit du 21 et 22 juillet 1944, 6 centres UGIF de Paris et en région parisienne sont raflés : les centres Secrétan, Vauquelin, l’École du travail, La Varenne, Saint-Mandé et Louveciennes. Tous les enfants sont transférés à Drancy. Nous disposons de la fiche d’internement de Justin qui précise sa date d’arrivée le 22 juillet 1944. Le matricule 25 397 lui est attribué. La mention 6.2 que l’on retrouve dans le cahier de mutation indique son emplacement dans le camp, c’est-à-dire au 2ème dortoir du 6ème escalier. La lettre B bleue de même que le liseré jaune en haut de la fiche signifient qu’il est immédiatement déportable.

Fiche d’internement de Justin, fichier de Drancy enfants, établi par des internés sous la supervision des autorités du camp. (Mémorial de la Shoah, Archives nationales de France)

Cahier de mutation du camp de Drancy, (Archives nationales de France, Mémorial de la Shoah)

Liste des déportés du convoi 77 (Archives d’Arolsen)

Comme d’autres enfants, Justin est transféré du camp de Drancy au camp d’Auschwitz, par le convoi 77. Il part du camp le 31 juillet 1944, soit une semaine après son arrivée. La dernière mention de Justin se trouve dans la liste du convoi 77 mais cette liste n’a été établie qu’après la guerre. Nous ne connaissons pas la date précise du décès du jeune homme, mais il est fort probable qu’il ait été gazé dès son arrivée à Auschwitz, le 5 août 1944.

 

ADDENDUM : juin 2024, classe de terminale 7

Lors de la présentation des travaux réalisés au cours de l’année 2023-2024 sur Justin Wiesel et Rachel Eisenberg, Alain Brunwasser, cousin de Cécile et Simon Dembicer, a attiré notre attention sur cette photographie qui appartient à sa famille.

Elle avait été communiquée l’an passé à nos camarades qui travaillaient sur Cécile et Simon mais elle n’avait pas retenu leur attention car le lieu et plusieurs personnages restaient inconnus. On reconnaissait bien au premier plan Isaac et Rosa Dembicer, Cécile, Simon dans la poussette et tout à droite Abraham Sobel, époux d’Hélène Brunwasser, une des sœurs de Rosa. En raison de l’âge des enfants, cette photo peut être datée de 1937 ou 1938. La boutique de tailleur devant laquelle elle est prise n’est manifestement pas celle d’Isaac, le couple devant la porte est inconnu, le petit garçon habillé de façon très semblable à Cécile aussi. On supposait qu’il pouvait s’agir d’un des quatre garçons Sobel mais sans certitude.

L’enquête sur Justin permet de mieux comprendre la photographie. A l’arrière-plan, on peut lire sur la porte d’entrée de la boutique le début du nom « Wies.. » devancé d’un D. La boutique serait donc celle de David Wiesel, le père de Justin, qui était tailleur à Thionville. On reconnaît d’ailleurs celui-ci devant la porte. A côté de lui, on peut légitimement supposer qu’il s’agit de son épouse Catherine dont nous ignorons les traits. A côté de Cécile, le petit garçon pourrait être Justin, les deux enfants étant tous deux du même âge. Nous aurions ainsi une deuxième photo de Justin.

Même s’il est difficile d’affirmer avec certitude que cette photo montre Justin et sa mère, elle confirme les liens probablement amicaux que nous pressentions entre les Wiesel et les différents membres de la famille Brunwasser. Catherine Wiesel était en effet originaire de Rakhiv, où la famille Brunwasser vivait avant d’immigrer en France. A Thionville, elle restait en contact avec au moins trois des sœurs qui vivaient à Metz : Rosa Dembicer, Hélène Sobel et Léa Tabak. Elles se sont sont ensuite retrouvées à Royan. De 1940 à 1942, Catherine Wiesel vit à Mareuil tout près de Léa Tabak, elles sont arrêtées le même jour et leurs garçons échappent de justesse à l’arrestation. Quelques mois plus tard, Justin, Joseph et Jacques retrouvent Cécile et Simon, les enfants de Rosa, avant d’être déportés dans le convoi 77.

 

This biography of Justin WIESEL has been translated into English.

Contributeur(s)

Biographie réalisée par la classe de Terminale 7 du lycée Louis Vincent de Metz sous la direction de leur professeur Bruno Mandaroux et de Mme Salomé Ambroisé, documentaliste.

Reproduction du texte et des images

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2 commentaires
  1. Délas 8 mois ago

    Bravo pour ce travail de recherches et de mémoire.
    Les enfants de Mareuil connaissent cette histoire et espérons le, perpétueront la mémoire de ces enfants de Mareuil partis trop tôt.
    L’actuelle directrice de l’école de Mareuil

  2. AISENE 8 mois ago

    Félicitations pour cette émouvante et indispensable restitution. « La vraie mort c’est l’oubli ».
    Laurence Aisène, petite-fille et nièce de nombreux déportés, assassinés à Auschwitz

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