Newsletter enseignants et chercheurs n°7

NEWSLETTER CONVOI 77
POUR LES ENSEIGNANTS ET CHERCHEURS
Mai-Juin 2021

Par l’équipe Convoi 77 France et International de Sciences Po

Actualités

  • A ce jour, 241 biographies ont été publiées et sont disponibles en ligne sur notre site www.convoi7.org, et 216 sont en cours d’étude dans 111 projets éducatifs.

L’incroyable biographie de Fanny Azenstarck par une classe de Darmstadt

Un bel exemple de résilience face aux événements historiques nous a été offert par un groupe de collégiens de Darmstadt qui, cette année, ont écrit la biographie de l’une des déportées du Convoi n°77. Darmstadt a en effet été la première ville allemande où, en 1933, des magasins juifs ont fermé de force pour « trouble à l’ordre communal et à la tranquillité ». Par ailleurs, les bombardements alliés ont détruit la ville en très grande partie jusqu’en 1944.

Les collégiens font partie d’un groupe de travail appelé « Les étudiants contre l’oubli et pour la démocratie » et, à l’initiative de leur professeur d’histoire, se sont plongés dans les archives pour reconstituer la vie de Fanny Azenstarck, reconnue « déportée politique » et « membre de la Résistance déportée ».

Le parcours de Fanny Azenstarck est édifiant : née à Paris au sein d’une famille juive originaire d’Europe de l’Est en 1921, Fanny s’installe en 1940 à Lyon où elle rejoint la Résistance et n’est arrêtée par la Gestapo qu’en 1944. Elle est dans un premier temps détenue à la prison de Montluc avant d’être transférée au camp de transit de Drancy, puis déportée à Auschwitz le 31 juillet comme les autres membres du Convoi n°77. Fanny est finalement transféré en octobre au camp de concentration de Kratzau en Tchécoslovaquie où elle survit le travail forcé parce qu’elle travaille en intérieur. Elle fait partie des survivantes à la libération du camp par l’armée soviétique le 9 mai 1945. La « libération » est plutôt douloureuse pour de nombreuses femmes qui, à peine délivrées du joug nazi, subissent les abus sexuels des soldats russes. Fanny Azenstarck parvient à en échapper également. Avec un groupe de survivants, elle atteint Děčín où un officier français la prend sous sa protection jusqu’à son retour en France. Elle y retrouve ses parents et ses frères, s’installe à Paris, retourne travailler dans une usine de cuir, se marie en 1947 ; en bref, commence une deuxième vie.

Femme, française, juive, résistante, Fanny Azenstarck est parvenue à survivre l’horreur qui lui était toute destinée. Les collégiens de Darmstadt, eux, l’ont immortalisé. Ils ont réalisé un véritable travail de recherche, de recoupage des informations, de traduction des documents pour écrire une biographie exemplaire. A retrouver sur le site de Convoi 77 en suivant ce lien :

https://convoi77.org/en/deporte_bio/fanny-azenstarck/

La classe de 3ème du lycée français de Vilnius mise à l’honneur pour son engagement à retracer la vie des déportés du Convoi 77 nés en Lituanie

En un mois, les 19 élèves d’Yvan Leclère, professeur d’histoire-géographie au lycée français de Vilnius, ont produit les biographies des 8 déportés du Convoi 77 nés en Lituanie. Leur engagement fort a été remarqué et leur a valu une invitation aux rencontres internationales de Convoi 77 à l’Elysée en présence du Président de la République, événement malheureusement reporté pour des raisons sanitaires. Près d’un an après, ils acceptent de revenir sur leur participation et sur leurs impressions.
Contacté par l’Ambassade de France à Vilnius, Yvan Leclère propose le projet à sa classe au début de l’année 2020. Sa motivation n’est pas ébranlée par le confinement et il rassemble pendant cette période des sources historiques sur les 8 déportés, à l’aide des fonds d’archives de Convoi 77 mais aussi de recherches dans les archives lituaniennes et sur les sites de généalogie. Fin mai, les élèves ayant terminé le programme scolaire, les cours d’histoire-géographie sont consacrés au projet. Les élèves se répartissent alors le travail et travaillent par groupe de trois sur les documents d’archives concernant un déporté. Au fur et à mesure qu’ils découvrent la vie des déportés, ils s’organisent pour mettre à profit leurs compétences linguistiques et déchiffrer des documents  en anglais, en allemand, en russe et même en espagnol (avec parfois l’aide de leurs professeurs de langues). Leur travail d’analyse des sources a été particulièrement important, un élève ayant par exemple analysé un rapport de police de plus de 250 pages. Le  travail de synthèse des informations récoltées dans les documents d’archives, a été suivi d’un long et essentiel travail de contextualisation.

Rapidement, les élèves se sont intéressés aux parcours des déportés, ce qui a renforcé leur motivation face au travail conséquent sur les 8 biographies. Pour reprendre les mots d’une élève, ils « voulaient savoir » quelles étaient les vies derrière le mot « déportés », y compris concernant les deux personnes qui sont en fait nées en Ukraine (voir biographie de Zofia Borensztejn) et Biélorussie (voir biographie d’Aron Simanovitch). Bien qu’ils n’aient pas pu se rendre sur des lieux de mémoire du fait de la pandémie, les élèves ont toutefois eu la chance de rencontrer une rescapée des camps venue témoigner dans leur collège juste avant qu’ils ne commencent le projet Convoi 77. Par ailleurs, certains descendants de déportés les ont contactés après avoir lu les biographies, touchés et impressionnés par leur travail. Ainsi, les petits-enfants de Doba Levine (voir biographie) ont fourni de précieuses photos et ont apporté des éclairages sur la personnalité de leur grand-mère. L’arrière-petite-fille de Zofia Borensztejn, Doris Lanzmann, a également envoyé à la classe deux lettres écrites de Drancy par le mari et le fils de Zofia Borensztejn, ainsi que quelques photos.

En s’engageant dans le projet Convoi 77, les élèves se sont donné un but : rendre un travail de grande qualité pour espérer être invités à l’Elysée. Pari réussi ! Un an après, leur engagement leur a laissé un souvenir positif et ils recommandent à d’autres classes de participer. L’histoire de la Seconde Guerre mondiale faisait partie de leur programme scolaire pour la première partie de l’année 2020, et le projet Convoi 77 leur a permis de dépasser la distance historique et de s’immerger dans la vie d’une personne. Découvrir l’histoire d’une personne était « plus motivant » pour eux que d’en rester aux faits historiques, et ils ont aussi réalisé qu’il est possible, grâce au travail de recherche, de synthèse et de contextualisation, de reconstruire la vie d’une personne (même si cela reste difficile, précise une élève).

Nous leur adressons toutes nos félicitations pour le travail accompli et leur souhaitons de fructueux échanges avec lors des rencontres internationales de l’Elysée qui se tiendront en ligne
Merci à Yvan Leclère et à tous ses élèves pour leur engagement, leur temps et leur enthousiasme.

Retrouvez toutes les biographies produites par les élèves en suivant ces liens : 

https://convoi77.org/deporte_bio/zofia-borensztejn/

https://convoi77.org/deporte_bio/henri-levin/

https://convoi77.org/fr/deporte_bio/berthe-levine/

https://convoi77.org/deporte_bio/doba-levine/

https://convoi77.org/fr/deporte_bio/aron-simanovitch/

https://convoi77.org/deporte_bio/walter-zavadier/

https://convoi77.org/fr/deporte_bio/abraham-delberg/

https://convoi77.org/en/deporte_bio/salomon-zilber/

Hommage au collège de Michel-Richard Delalande (Athis-Mons): Entretien avec Clément Huguet

Chaque année depuis quatre ans, une classe entière d’élèves de 3e au collège Michel-Richard Delalande d’Athis-Mons (Essonne, France) sous la direction (parmi d’autres) du professeur d’histoire-géographie, Clément Huguet, travaille sur la rédaction des biographies des déportés du Convoi numéro 77. Ce long engagement dans le projet s’est traduit par la restitution de la vie de 4 déportés jusqu’à aujourd’hui et la création de la gazette numérique « Journal du projet Convoi 77 ». Dans ce cadre, Convoi 77 met à l’honneur le travail du collège en réalisant un entretien avec Clément Huguet.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous incluez le projet Convoi 77 dans vos cours et sur les sources que vous utilisez ?

Le projet débute en septembre pour les élèves mais nous commençons à le préparer dès le mois de mai afin que les principales informations, les archives disponibles et les documents que nous souhaitons proposer aux élèves soient prêts dès le début de l’année scolaire. Puis, chaque année une heure hebdomadaire intégrée dans l’emploi du temps des élèves est dédiée aux activités menées dans le cadre du projet Convoi 77 et concerne essentiellement le travail d’enquête historique, de rédaction biographique, de production artistique et de réalisation de vidéos.

D’un point de vue pratique, nous utilisons dans un premier temps les archives qui sont mises à notre disposition par l’association Convoi 77 et qui sont issues de la Division des archives des victimes des conflits contemporains, une très bonne base qui nous permet d’obtenir d’emblée des renseignements très importants pour la suite du projet. Ensuite, en fonction de l’histoire et du parcours de chaque déporté sur lequel nous faisons travailler les élèves, nous entreprenons des démarches auprès d’institutions spécialisées (le Mémorial de la Shoah, les archives de Bad Arolsen-ITS, les archives municipales et/ou départementales notamment) et nous cherchons aussi à établir des contacts avec des membres de la famille du ou des déporté(s).

Avez-vous eu la chance de rencontrer et de discuter avec d’autres membres de la famille des déportés ? Quelles émotions cela a-t-il créé pour vous et les élèves ?

Oui, nous avons eu la chance d’échanger par écrit avec Marie, la sœur de Bernard Goldstein (voir biographie) dont mes élèves ont rédigé la biographie en 2017-2018. Nous avons réussi à établir un contact avec elle par l’intermédiaire de sa fille mais cela n’était pas évident car elles vivent toutes les deux aux Etats-Unis !

J’ai, par ailleurs, eu la chance de rencontrer plusieurs fois Mina Bender, la sœur de Jacques (voir biographie), Dora (voir biographie) et Jean (voir biographie) dont mes élèves ont raconté l’histoire en 2018-2019. Ces moments d’échanges ont été très forts sur le plan humain et nous avons tenu à la tenir informée régulièrement du déroulement du projet. Mes élèves n’ont hélas pas pu la rencontrer car elle habite à l’autre bout de la France mais nous avions enregistré avec les élèves une vidéo dans laquelle quelques volontaires se présentaient et lui expliquaient la nature de leur travail, tout en s’attachant à préciser ce que le projet leur apportait. Nous avons apporté la vidéo à Mina qui a été très touchée par cette attention. En retour, elle a accepté que nous réalisions, chez elle, une vidéo dans laquelle elle adressait un message aux élèves. Ils étaient très fiers et émus d’avoir ainsi pu établir un contact avec elle.

Quelles difficultés – le cas échéant – rencontrez-vous habituellement ?

Réaliser un tel projet comporte une difficulté intrinsèque, liée au niveau d’exigence requis. Néanmoins, au cours des quatre dernières années, les élèves n’ont pas été confrontés à des difficultés majeures qui auraient empêché le projet d’être mené à son terme. Au contraire, nous avons pu constater, face aux difficultés, que les élèves les plus à l’aise à l’écrit et/ou à l’oral venaient spontanément en aide aux élèves qui pouvaient se trouver en difficulté au cours de l’enquête historique et de la rédaction biographique.

Enfin, en raison de la disparition de certaines archives et des témoins, les élèves sont nécessairement confrontés à la difficulté de raconter la vie des déportés sans forcément avoir toutes les informations qui pourraient les intéresser. Là encore, ils ont su dépasser ces difficultés en imaginant de nouvelles manières de raconter et en faisant parfois appel à leur imagination. Ce fut, par exemple, le cas en 2018-2019 lorsque les élèves ont inventé des dialogues entre Jacques, Dora et Jean Bender, trois enfants déportés ensemble le 31 juillet 1944 (voir dialogue). A la lisière de la démarche scientifique engagée, ces dialogues sont venus enrichir le récit historique en lui apportant une sensibilité qui nous semble pertinente.

→ Quel type de réactions/interactions votre travail a-t-il reçues jusqu’à présent ? 

Le projet Convoi 77 s’est, au fur et à mesure, parfaitement intégré dans le projet d’établissement du collège et à chaque fin d’année scolaire, nous avons de plus en plus d’élèves de 4e qui nous font part de leur volonté d’intégrer la classe à projet en 3e. C’est, pour nous, le signe que le projet s’est ancré et qu’il est porteur de sens pour les élèves. D’autre part, comme je l’indiquais plus haut, nous attachons une grande importance au fait de tenir informées régulièrement les familles des déportés quant au déroulement de notre travail. Nous échangeons alors sur les productions réalisées par les élèves et c’est toujours très enrichissant. Notre projet a, par ailleurs, été deux fois lauréat du prix Ilan Halimi décerné par le Conseil départemental de l’Essonne en 2018 et en 2019. C’est pour nous tous, enseignants et élèves, une immense reconnaissance et une très grande fierté !

Enfin, le journal Libération a évoqué notre travail dans un article publié le 23 janvier 2019 à l’occasion de la grande réunion de restitution organisée à l’Hôtel de Ville de Paris par l’association Convoi 77 et lors de laquelle mes élèves avaient présenté leur travail (voir l’article).  Plus récemment, Le Monde a publié une tribune que j’ai écrite sur le projet à l’occasion des commémorations du 27 janvier 2021 (voir l’article) et la Fondation Seligmann a publié un article consacré à notre travail dans la rubrique « Exemple à suivre » de son journal Après-demain (juin 2021) (voir l’article).

D’après votre expérience, comment le Convoi 77 aide-t-il les élèves à comprendre l’histoire de la Shoah ? Et comment les élèves eux-mêmes le perçoivent-ils habituellement (en termes d’émotions, de connaissances acquises, etc.) ?

Après quatre années d’engagement dans ce projet, j’ai pu mesurer l’étendue des apports pédagogiques, civiques et mémoriels de la démarche et notamment de l’approche individuelle dans l’étude de la Shoah. Ma façon d’enseigner la Shoah a été totalement transformée notamment à travers l’approche microhistorique qui permet, selon moi, d’attirer l’attention des élèves sur l’écueil qui consisterait à réduire chaque déporté à son statut de victime. Par ailleurs, le projet, en s’inscrivant sur l’ensemble de l’année scolaire, me semble très bénéfique, tant en matière d’acquisition des connaissances qu’en matière de réflexion citoyenne.

De plus, permettre aux élèves de prendre la plume pour écrire, par eux-mêmes, une page de l’Histoire a aussi constitué un formidable moyen de renforcer leurs connaissances, leurs outils méthodologiques et leur autonomie. Ils ont aussi, incontestablement, gagné en confiance et n’hésitent plus, en fin d’année scolaire, à prendre la parole pour expliquer la nature du projet et leurs productions.

→ Après de nombreuses années à travailler sur le projet, qu’est-ce qui vous motive le plus ?

Les élèves sont mon moteur ! Ce qui me motive le plus c’est de constater leur niveau d’engagement dans le projet, leur attachement à la démarche et au travail que nous leur proposons de réaliser au cours de l’année. C’est toujours très fort d’être témoin de l’émotion et de la fierté qu’ils témoignent lorsqu’ils sont amenés à présenter le projet et leurs productions.

Les apports pédagogiques, civiques et mémoriels constatés depuis quatre ans sont aussi une immense source de motivation car ils sont la démonstration que ce projet est non seulement utile et mais qu’il est aussi absolument nécessaire.
Merci à Clément Huguet et à ses élèves pour leur temps et leur engagement.

Retrouvez toutes les biographies produites par les élèves en suivant ces liens : 

https://convoi77.org/deporte_bio/jean-bender/

https://convoi77.org/deporte_bio/dora-bender/

https://convoi77.org/deporte_bio/jacques-bender/

https://convoi77.org/deporte_bio/bernard-goldstein/

L’expérience de l’équipe Convoi 77 de Sciences Po

Après huit mois de travail collectif, l’équipe Convoi 77 de Sciences Po de l’année académique 2020/2021 conclut ses activités, qui seront poursuivis par la prochaine équipe en automne. Ce projet unique a permis à quatres étudiants en master – Despina, Laure, Benjamin et Moritz – de se rencontrer et de travailler ensemble sur la mémoire de la Shoah malgré le fait qu’ils suivent des masters différents.

Bien que la pandémie ait compliqué certains aspects du travail de l’équipe comme la prise de contact avec des enseignants et élèves qui ne participent pas encore au projet de Convoi 77, l’équipe a pu établir de nouveaux contacts en Grèce, Roumanie, Autriche et Lettonie avec des établissements scolaires, des centres de l’Holocauste et des femmes politiques européennes. En plus, la virtualisation a rendu possible la participation aux réunions et webinaires à l’étranger comme celui du Ministère de l’Éducation autrichien en janvier 2021 ainsi que le travail collectif à travers trois pays de l’UE.

L’équipe Convoi 77 de Sciences Po est très heureuse d’avoir pu contribuer au travail du projet européen Convoi 77 et souhaite beaucoup de succès et de joie à ses successeurs.

L’équipe de Sciences Po, Oct. 2020 – Juin 2021

Aide et conseils sur la plateforme Convoi 77

http://www.edu.convoi77.org

1. EDU est une plateforme pour VOUS et vos classes afin de mieux gérer votre projet : c’est là que l’équipe de Convoi 77 partage avec vous les documents qu’elle possède concernant les déportés sur lesquels vous travaillez!
2. Pour accéder aux documents mis à votre disposition, sélectionnez “Mon éditeur de biographie”, pour chercher le nom du déporté en question dans la barre de recherche. Cliquez sur son nom, puis sur “View déporté” en haut à gauche. 
3. Pour mieux comprendre comment utiliser la plateforme, vous pouvez utiliser les “tutoriels” présents sur le site. 
4. Posez toutes vos questions et partagez vos idées ou réflexions avec les autres professeurs du projet ainsi qu’avec l’équipe sur le “forum”!
5. Vous pouvez notamment organiser des visites au Mémorial de la Shoah ou dans d’autres lieux de mémoire ailleurs en France en sélectionnant “Les étapes du Projet” puis “Visiter un lieu de mémoire”.
6. Mettez le site edu.convoi77 en favori pour y avoir accès plus facilement!

Une question ? N’hésitez pas à contacter l’équipe France et International de Sciences Po à l’adresse suivante : convoi77.equipesciencespo@gmail.com

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