Rallier le camp d’Auschwitz à vélo : l’aventure mémorielle d’un jeune homme en quête de sens

À bientôt 28 ans, Fabien Devilliers, un passionné d’histoire, a décidé de se lancer un défi de taille : rallier le camp d’extermination d’Auschwitz à vélo depuis le camp de Gurs, dans le Béarn. À partir du 24 avril et jusqu’à début juillet, il avalera 3 000 km en 80 étapes – dont de nombreux lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale – à travers la France, l’Allemagne et la Pologne.

Grâce à ce projet, qu’il a nommé « aventure mémorielle », il espère, entre autres, récolter des fonds en faveur de l’Unicef.

Convoi 77 a décidé de le suivre en lui consacrant trois articles, un avant son départ, un pendant son périple, et un à la fin.

Entretien avant le départ.

Quelle est la genèse de votre projet ?

J’ai été médiateur numérique pendant deux ans à Pau. Concrètement, j’animais des ateliers dans des communes pour apprendre aux gens à faire leur démarche administrative en ligne, à gérer le passage au ‘tout numérique’.

J’ai été confronté à des gens en détresse, des gens qui se retrouvaient isolés et qui n’avaient plus accès à certains services en raison de cette dématérialisation. J’ai pris leur détresse en pleine face.

Cela m’a fait réaliser que notre société a un problème. On a peut être perdu une forme d’élan, on est tous un peu pessimistes, découragés face à ce qui se profile : l’inflation et le pouvoir d’achat qui diminue, la guerre qui n’est pas très loin, le réchauffement climatique… Il y a une peur qui peut nous paralyser et nous renfermer plutôt que de nous unir.

Alors, je me suis dit qu’il fallait que je démissionne et que je fasse quelque chose qui me plaise. J’ai surtout eu envie de m’engager pour une cause qui m’importe. En l’occurrence, c’est l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Mais je pense qu’il faut s’engager quelle que soit la cause. C’est urgent. Et ça donne du sens à nos vies.

Pourquoi cette idée-là : rejoindre Auschwitz à vélo ?

Quand j’avais 19 ans, j’ai été conseiller municipal de ma ville, Allassac, en Corrèze. On m’avait confié la mission d’être porte-drapeaux durant les cérémonies commémoratives, puis j’ai été maître de cérémonies. Un jour, au cours d’une cérémonie, je me suis dit ‘Moi, ce n’est pas comme ça que j’ai envie de me souvenir’.

Je voyais bien alors que les jeunes se désintéressaient de ces commémorations, et je les comprenais. J’ai repensé à tout ça après ma démission et j’ai eu envie de faire les choses à ma façon : visiter des lieux, comprendre les mécanismes qu’il y a eu derrière les événements de la Seconde Guerre mondiale et en tirer des leçons.

J’ai eu l’idée d’aller jusqu’à Auschwitz car c’est un lieu central : il incarne l’atrocité, c’est une image d’Epinal de ce conflit. Et c’est le bout du chemin.

Quant au vélo, j’aime beaucoup le sport et l’idée de me dépasser. Je me suis dit que ça me permettrait de m’arrêter facilement dans des lieux sur le chemin.

Comment comptez-vous commémorer autrement les événements de la Shoah ?

Ce qui m’anime dans cette aventure mémorielle, ce n’est pas uniquement de regarder vers le passé, mais plutôt de porter le message des résistants et des rescapés de la Shoah auprès de la jeunesse et des citoyens : ‘On a vécu le pire mais on va tout faire pour que l’avenir soit meilleur’.

J’ai envie d’une aventure pleine de rencontres et d’échanges, avec des inconnus, avec des classes d’élèves, on verra…

Je compte me rendre, entre autres, au Champs de martyrs à Tulles, au Centre de la Mémoire d’Oradour sur Glane, à la prison de Montluc, à la maison d’Izieu, au Plateau des Glières [haut lieu de la résistance française, ndlr], et au camp de Struthof.


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