Julien Tschopp : « Les élèves sont restés à l’école jusqu’à 21h30 un vendredi soir pour travailler »

Julien Tschopp et ses élèves du collège de Delémont, en Suisse ont travaillé sur la biographie de Jeanne Haas, arrêtée à Lyon à l’âge de 65 ans. Ce travail fait partie des onze projets européens sélectionnés par le ministère de l’Education nationale.

Pouvez-vous vous présenter et nous présenter votre classe ?

Je suis enseignant d’histoire géographie et de français depuis plus de 20 ans. Dans ma carrière, j’ai aussi été médiateur [un médiateur est un.e enseignant.e titulaire chargé.e de résoudre les conflits entre élèves ou de les aider sur d’autres problématiques]. Actuellement je suis coordinateur de l’histoire au niveau de ma région, c’est-à-dire que je coordonne ce qui se fait en histoire dans tout le canton. L’histoire est une vraie passion pour moi.

La genèse de ma participation au projet Convoi 77, c’est Claire Podetti [professeure d’histoire géographie membre de l’association Convoi 77, ndlr]. Elle m’a contacté pour m’en parler. Après avoir décidé de participer, j’ai choisi une classe d’élèves, un peu au feeling.

J’ai exposé le projet à une classe de 15 élèves de 11e [dernière année de collège dans le système scolaire suisse, équivalent de la troisième en France, ndlr] et il s’est passé quelque chose. La classe a été très réceptive. J’ai tout de suite su que c’était les bons élèves pour ce projet.

Comment avez-vous organisé ce travail collectif dans le cadre du projet Convoi 77?

Cela a pris un peu de temps. J’ai commencé à travailler de manière intensive en août. On avait une échéance fin octobre pour envoyer la biographie car on voulait participer au concours des meilleurs projets.

On travaillait toutes les leçons d’histoire deux heures par semaine et on consacrait le reste du temps au projet. J’ai épluché les archives de mon côté, je suis parti sur une multitude de contacts. En classe, on se donnait à chaque fois des petites missions, par exemple : passer des coups de téléphone, pendant le cours et en dehors, ou faire des recherches.

On s’est aussi retrouvés en dehors des heures de cours pour travailler. Les élèves ont pris du temps sur des après-midis de congés et ils sont même restés un vendredi soir à l’école jusqu’à 21h30. Ce soir-là, on a mangé des pizzas tous ensemble. Il y avait un côté récréatif.

J’avais conscience que les élèves faisaient beaucoup d’effort. Ils sont tous venus, sans exception. Ils ont tous joué le jeu.

En ce qui concerne la rédaction, on s’est partagé les différentes parties de la biographie et chacun a rédigé son passage en travaillant par groupe. Le plus gros du travail a été de regrouper le tout et de rendre cohérentes toutes les parties. Ça, ça a été plutôt mon travail à moi et à ma collègue, Marilyn Fazio, professeure de français.

Au final, on a bossé très, très dur pendant trois mois.

Quel a été l’impact de ce travail, d’un point de vue individuel (en ce qui vous concerne, en ce qui concerne les élèves…) mais aussi plus largement (au niveau de l’école, de la municipalité ou autres) ?

L’impact a dépassé mes espérances. Grâce à ce projet, on a enseigné la Shoah d’une autre manière, avec un supplément d’émotion et d’implication. Le fait de retracer la vie d’une femme de chez nous, ordinaire, a créé un effet miroir : cela aurait pu nous arriver, à nous.

J’ai bien senti que ce travail a été un catalyseur pour les élèves. Dans leurs réactions, dans leurs questionnements, cela ne fait pas de doute que ce projet a provoqué beaucoup de choses en eux.

J’ajoute que ce travail s’est poursuivi bien au-delà du cadre du projet Convoi 77, car une rue de notre ville a été rebaptisée du nom de Jeanne Haas après notre travail sur sa biographie.

Cette cérémonie d’inauguration a été très belle et elle a eu lieu en présence de la petite-fille de Jeanne Haas qu’on a retrouvée une semaine avant l’inauguration. Elle a déclaré : « Cette inauguration, c’est l’enterrement que ma grand-maman n’a pas eu ».

Il y a par ailleurs eu une exposition au musée jurassien d’art et d’histoire de Delémont. Les élèves ont également installé des panneaux sur la vie de Jeanne Haas à différents endroits dans la ville. Ils ont fait ça de manière bénévole, entre août et octobre, après l’école, en dehors de leurs heures de cours et alors qu’ils étaient désormais dispersés dans des formations différentes. C’est incroyable, formidable.

Votre travail a été sélectionné parmi les projets les plus remarqués, quel sentiment cela vous procure/cela procure aux élèves ?

Une grande fierté, c’est évident. C’est immense parce qu’en peu de temps on a réussi à susciter l’intérêt des personnes qui ont jugé notre projet. Nous ressentons une grande satisfaction d’avoir été reconnus pour tout le travail qu’on a fait.

On a envie d’aller encore plus loin. On aimerait faire un livre avec des illustrations. On aimerait aussi faire un voyage sur les traces de Jeanne Haas.

Personnellement, ce projet m’a totalement transporté. On ne sort pas intact d’un tel projet.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à d’autres enseignants qui souhaiteraient participer au projet ?

Je leur dirais de foncer, de ne pas hésiter. Il faut savoir qu’on n’est pas obligés de consacrer autant de temps et d’énergie au projet que ce que nous y avons consacré pour qu’il soit bénéfique. Même si on l’aborde de manière plus sobre et moins intensive, il en vaut de toute façon la peine. Le jeu en vaut vraiment la chandelle. J’encourage tous mes collègues à se lancer dans un tel projet.

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