Sarah KOURORIEZ

1927-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Sarah KOURORIEZ

L’association Convoi 77 nous a fait parvenir le dossier de Sarah Kouroriez… mais pas seulement ! Pour mieux comprendre son parcours, nous avons aussi reçu les dossiers de son père, Abraham Léon Kouroriez, de sa mère, Joche Tadc’Aite, de son frère Simon Kouroriez, et de la femme de son demi-frère, Berthe Eisenberg. Si Sarah est déportée avec le 77e convoi de Drancy vers Auschwitz, son père, sa mère et l’un de ses frères sont déportés avant elle avec le 76e convoi et la femme de son demi-frère avec le convoi 56. Son autre frère, Marcel Kouroriez, ainsi que son demi-frère, Jules Kouroriez, survivent à la Seconde Guerre mondiale et mènent des recherches et démarches pour faire reconnaître leur déportation et assassinat par l’Allemagne nazie. Comme ses proches n’ont pas été déportés avec le 77e convoi et qu’il n’y a (pour l’instant ?) pas de projet biographique concernant ces autres convois, les élèves de la classe 3e Queen ont décidé d’inclure ces personnes dans la biographie de Sarah, afin de les faire connaître avec elle.

La famille élargie de Sarah Kouroriez

Abraham Kouroriez, parfois aussi appelé Léon Abraham, est né le 7 mai 1887 à Kiev, en Russie. Sa mère est Sarah Kropotintziks et son père est Zacharie Kouroriez. Il arrive en France au 33 rue des Jardins Saint Paul à Paris. Il se marie une première fois avec Freide Gorosh et ils ont eu un enfant, Jules, né le 27 juillet 1916. Abraham est alors imprimeur typographe. Grâce à ce mariage, il devient français par naturalisation le 12 juin 1928, ce qui a été publié dans le Journal officiel du 24 juin 1928. Mais Freide meurt à une date inconnue. Le 14 juin 1930, Abraham se marie une seconde fois avec Joche Tadc’Aite à Paris. Joche est lituanienne et juive, née le 18 février 1898 à Balkinai au nord de Vilnius. À son mariage, elle vit déjà avec Abraham au 33 rue des Jardins Saint Paul et est sans profession. Ce mariage lui permet à son tour d’obtenir la nationalité française. Lorsqu’ils se marient, ils ont déjà trois enfants qu’ils reconnaissent alors : Sarah, Simon, Marcel. Sarah naît le 8 septembre 1927 au 19 bis rue Chaligny à Paris (Abraham est reconnu comme son père en 1930), Simon naît le 6 janvier 1936 à Paris dans le 12e arrondissement, Marcel naît le 19 décembre 1928 à Paris, au 6 rue d’Ormesson (Joche est reconnue comme étant sa mère en 1930).

La Seconde Guerre mondiale, l’antisémitisme et la situation de la France

Adolf Hitler est proclamé chancelier en 1933. Cette année marque l’arrivée au pouvoir du parti nazi. Il met en place un système raciste et antisémite en Allemagne, avec des mesures comme le port de l’étoile jaune imposé aux juifs, la mise en place de ghettos, de nombreuses interdictions comme les lieux publics… L’Allemagne décide, pour s’assurer un « espace vital » d’envahir la Pologne le 1er septembre 1939. La France, par alliance, décide de défendre la Pologne et d’entrer en guerre contre l’Allemagne le 3 septembre 1939. Cependant, l’Allemagne adopte une stratégie de « Blitzkrieg » (« guerre-éclair ») et envahit tout le nord de la France. Elle se retrouve coupée en deux jusqu’au début de l’année 1942 : la zone libre dirigée par Philippe Pétain au sud et la zone occupée dirigée par Adolf Hitler au nord. Philippe Pétain proclame à la radio en 1940 sa volonté de partager les idées du système raciste et antisémite nazi et il capitule et commence une collaboration avec le parti nazi. Les juifs français et étrangers sur le sol français sont menacés et plusieurs camps d’internement sont créés tel que celui de Drancy. Les déportés juifs sont ensuite déplacés dans des centres de mise à mort, tel que celui d’Auschwitz-Birkenau

La première victime familiale connue : Berthe Eisenberg

La famille Kouroriez est d’abord directement touchée par les arrestations avec celle de Berthe Eisenberg en 1942. Elle est l’épouse de Jules Kouroriez, le premier fils d’Abraham issu de son mariage avec Freide Gorosch. Berthe et Jules sont mariés depuis le 10 août 1935 à la mairie du 4e arrondissement de Paris. Si Jules est le demi-frère de Sarah, Berthe est donc la belle demi-sœur de Sarah.

Portrait de Berthe Eisenberg (SHD de Caen, 21 P 470 243, Dossier de Berthe Kouroriez).

Berthe est née le 16 mai 1917 à Paris dans le 12e arrondissement. Ses parents sont Mayer Eisenberg (absent lors du mariage) et Blima Rauchwerk (alors vendeuse domiciliée au 57 rue de Douai). À son mariage, elle est domiciliée au 57 rue de Douai (l’adresse de sa mère) mais elle réside au 31 rue des Jardins Saint Paul (la maison voisine de la famille Kouroriez, chez Jules). Elle est donc française et juive. Elle est liée à plusieurs adresses : le 35 (ou 36) rue Poliveau à Paris, le 17 (ou 11) rue Jean-Beausire (4e arrondissement de Paris) mais aussi le 21 rue de l’Expansion Anderlecht à Bruxelles. « Employée de commerce », elle est mère de deux enfants, Jean-Michel né le 26 janvier 1936 et Lucien né le 28 mai 1937. Elle est arrêtée le 19 septembre 1942 au 11 rue Jean-Baptiste Beausire (Paris, 4e arrondissement) « par la police française » et la Gestapo pour motif racial (parce qu’elle est juive) et « défaut d’étoile », sur « dénonciations » le 17 ou le 19 septembre 1942. Mme Grinberg, concierge de l’immeuble, est témoin de cette arrestation. Cependant, Berthe est très sûrement aussi arrêtée pour son appartenance à un groupe de résistance belge G. et WO, G. n° 3201. Elle est d’abord internée à Drancy le 18 octobre 1942, puis est transférée à Beaune-la-Rolande le 9 mars 1943 et à Drancy le 23 mars 1943. Enfin, elle est déportée pour Auschwitz le 18 juillet 1943. Cette date correspond avec celle du 57e convoi, qui comporte 1000 personnes dont 137 enfants. Sa date de décès est déclarée au 23 juillet 1943. Il est difficile de savoir si Sarah, alors apprentie lingère, était proche de sa belle-famille et a eu connaissance des actes de résistance, de l’arrestation, l’internement et la déportation de Berthe.

La déportation de la famille proche de Sarah Kouroriez

Avec la fin de la guerre, Sarah et ses proches sont directement touchés. Abraham, Joche et Simon sont arrêtés par la police française à leur domicile au 29 rue de Cotte (Paris, 12e arrondissement) le 30 mai 1944 car ils sont juifs. La concierge de la maison atteste de cette arrestation. Ils sont internés entre le 10 et le 30 juin 1944 à Drancy, Abraham avec le matricule n° 23 828, Joche avec le matricule n° 23 829 et Simon avec le matricule n° 23 830. Ils sont déportés le 30 juin 1944 avec le convoi 76 vers le centre de mise à mort d’Auschwitz. Le convoi arrive à destination le 5 juillet 1944. Abraham a alors tout juste 57 ans, Joche 46 ans et Simon 8 ans. On suppose que les parents de Sarah sont rentrés dans le camp en tant que personnes aptes au travail et Simon immatriculé n°23 830 est potentiellement mort dès son arrivée, à cause de son âge.

L’arrestation et la déportation isolée de Sarah Kouroriez

Marcel déclare que Sarah est arrêtée, internée et déportée avec Abraham, Joche et Simon. Cependant, il apparaît que Sarah échappe à ce parcours et est recueillie dans un foyer de jeunes filles de l’UGIF (Union générale des israélites de France), rue Vauquelin. Cela signifie qu’elle a réussi à échapper à l’arrestation de sa famille, qu’elle ne devait pas s’y trouver lorsqu’elle a eu lieu, ce que Marcel ne savait peut-être pas. De cette erreur d’information, on peut supposer que Marcel a été séparé de sa famille pendant la guerre et a perdu la trace de ses proches, en supposant parfois leur trajectoire.

Le centre de l’UGIF rue Vauquelin, Paris (Wikipédia)

La mission de l’UGIF est d’assurer la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics. Sarah y est présente sûrement entre mai et juillet 1944. Au centre Vauquelin, 33 jeunes filles juives sont accueillies, dont 25 qui ont entre 15 et 22 ans comme Sarah.

Cependant, le 22 juillet 1944, le centre Vauquelin est raflé, presque un mois avant la Libération de Paris. Sarah est internée à Drancy avec le matricule n° 25 486. Depuis Drancy, elle est ensuite déportée le 31 juillet 1944 vers Auschwitz avec le convoi 77. Nous ne savons pas si Sarah est assassinée dès son arrivée à Auschwitz ou si elle y effectue d’abord des travaux forcés.

Jules et Marcel, uniques survivants d’Abraham Kouroriez, mènent des recherches

Jules et Marcel sont les seuls enfants d’Abraham survivants de la Seconde Guerre mondiale. Marcel fait des recherches sur Abraham après la guerre pour faire reconnaître sa déportation. Au tout début de l’après-guerre, Marcel est hébergé chez David Cohen, au 81 rue Vieille du Temple. Il écrit ne plus avoir de nouvelles de son père depuis le 29 mai 1944, soit la veille de son arrestation. Il obtient un acte de disparition de ses parents et de sa sœur Sarah le 12 septembre 1949. Le 8 avril 1950, Marcel fait reconnaître que le foyer de ses parents au 29 rue de Cotte à Paris, « a été pillé par les Allemands en 1944 » et qu’il lui revient de droit l’allocation mobilière « pour la reconstitution du foyer pillé » puisque ses parents ont été déportés et non-rentrés à ce jour. Un jugement déclaratif de décès est rendu par le tribunal civil de la Seine le 10 novembre 1950 pour Abraham Kouroriez et Joche Kouroriez née Tadc’Aite, à la date du 30 juin 1944, le jour de leur départ de Drancy pour Auschwitz. Ce même 10 novembre 1950, la date de décès de Sarah Kouroriez est déterminée au 31 juillet 1944 à Drancy. Le 13 janvier 1952, le même tribunal déclare que la date de décès de Simon Kouroriez est également le 30 juin 1944, à Drancy. Le 22 octobre 1956, Marcel obtient son statut de déporté politique pour son père Abraham (carte n° 1.1.75.10406), sa mère Joche (carte n° 2.1.75.10407), sa sœur Sarah (carte n° 2.1.75.10408) et son frère Simon (carte n° 1.1.75.10409). Les deux ayants-droits d’Abraham sont Jules (son fils issu de son mariage avec Freide) qui habite au 126 rue P.-V. Couturier (Kremlin-Bicêtre) et Marcel (issu de son mariage avec Joche) qui habite alors le 36 rue de Poliveau à Paris. Le seul ayant-droit de Joche est Marcel.

À la fin de la guerre, le 7 mai 1945, une connaissance de Berthe Kouroriez, Blanche Wattebled Van Lysebeth, rédige une lettre depuis le 21 rue de l’Expansion Anderlecht Bruxelles, au nom de son groupement de sabotage belge, au « Service fichier » de Paris. Elle souhaite avoir des nouvelles de Berthe et sollicite des recherches à son sujet. Si elle est en vie, elle demande son rapatriement à Bruxelles, afin de la soigner et de pouvoir retrouver son mari et ses deux garçons de 8 et 10 ans. Son mari, Jules, fait à son tour des recherches sur elle. Il formule un acte de disparition de Berthe le 16 octobre 1946. Il réside alors au 42bis rue de l’Ermitage, Paris 20ème arrondissement. Le 16 mai 1947, la mairie de Paris du 4e arrondissement rédige un acte de décès à la date du 18 juillet 1943, soit le jour de sa déportation de Drancy pour Auschwitz. Le 21 février 1955, il obtient la carte de déportée politique de Berthe n° 2.1.75.04950 et perçoit une indemnisation de 60 000 francs. Jules habite alors le 69 rue des Malassis, à Vitry-sur-Seine. En 1956, le Ministère des anciens combattants et victimes de guerre fait reconnaître la mention « mort pour la France » sur son acte de décès.

Frise chronologique réalisée par Matias D., sur la progressive reconnaissance des déportations et disparitions

Arbre généalogique de la famille élargie de Sarah Kouroriez, réalisé par les élèves

Les 3ème Queen témoignent

Qu’est-ce que nous avons apprécié dans ce projet ?

« J’ai apprécié découvrir des informations sur des personnes inconnues du grand public ».

« J’ai apprécié de trouver et de comprendre le passé d’une jeune fille déportée ».

« J’ai aimé travailler sur un projet de groupe et nous aider mutuellement ».

« J’ai apprécié de me mettre dans la peau d’un historien pour chercher des informations ».

« J’ai apprécié le fait de découvrir le métier d’historien et de chercher des informations dans des archives ».

« Dans ce projet, j’ai apprécié le fait de faire des recherches avec de vrais documents, de les mettre en commun avec mes amies ainsi que de faire un arbre généalogique. Bien sûr, j’ai aussi approfondi mes connaissances sur ce qui est arrivé aux personnes juives durant la Seconde Guerre mondiale ».

Qu’est-ce que nous avons appris ?

« J’ai appris que des membres d’une même famille ont parfois été déportés à des années différentes, séparément. Dans le cas de Sarah Kouroriez, j’ai appris qu’il était possible qu’un membre de la famille survive et qu’il puisse mener des recherches sur sa famille ».

« J’ai appris comment on pouvait extraire des informations sur des personnes grâce aux archives. J’ai donc pu comprendre la vie des personnes juives durant la Seconde Guerre mondiale ».

« J’ai appris les conditions de vie de Sarah Kouroriez et de sa famille, sa déportation seule vers le camp d’internement de Drancy puis vers Auschwitz à cause de sa religion juive ».

« J’ai appris plu en détail ce qu’il a pu se passer durant la Seconde Guerre mondiale pour les familles juives, que leurs membres pouvaient être séparés et se retrouver seuls dans les camps de concentration ».

Qu’est-ce que nous avons trouvé difficile ?

« Les difficultés étaient de trouver des informations importantes et de déchiffrer les écritures des documents ».

« Ce qui m’a paru difficile était qu’il y avait beaucoup d’informations répétées et on pouvait facilement se perdre. Il était parfois difficile d’extraire des idées. Parfois, les écritures des vieilles archives étaient difficiles à déchiffrer ».

Pourquoi est-ce que nous recommanderions le projet Convoi 77 ?

« Je recommanderais ce projet car il nous apprend à chercher des informations, de mieux comprendre le passé ».

« Je pense que ce projet peut permettre d’enrichir sa culture générale ».

« Je pourrais recommander ce projet pour ceux qui veulent apprendre à être de vrais historiens ».

« Je recommanderais ce projet pour ses notions historiques et son initiation au travail d’historien, pour en apprendre davantage sur des déportés, notamment ceux de notre âge ».

« Je recommande ce projet car il est historique et qu’il informe sur la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale ».

« Je recommande ce projet parce qu’il nous permet d’écrire l’histoire d’une personne dont nous ne connaissions pas l’existence au début. Il nous permet d’apprendre des choses et de nous investir dans un projet ».

Sources

  • SHD, 21 P 470 245, Dossier de Sarah Kouroriez.
  • SHD, 21 P 470 242, Dossier de Abraham Kouroriez.
  • SHD, 21 P 470 244, Dossier de Joche Kouroriez née Tadc’Aite.
  • SHD, 21 P 470 246, Dossier de Simon Kouroriez.
  • SHD, 21 P 470 243, Dossier de Berthe Kouroriez.

Liens

 

Autres biographies rédigées par le collège Fernand-Léger de Vierzon (18100, France)

 

Deux paragraphes de cette biographie de Sarah KOURORIEZ ont été traduits en version anglaise par deux élèves.

Contributeur(s)

Yanis, Anton, Hugo, Angélina, Tierno, Laly, Lilou, Allycia, Maëlia, Matias D., Senzo, Garance, Imran, Mélina, Mathis, Emma, Louis, Thomas, Maelle, Hanaë, Jade, Mila, Mathias V., Zikhar en 3e Queen, année scolaire 2023-2024, Collège Fernand-Léger, Vierzon (18100), avec leur professeure d’histoire-géographie, Mme Mahieu.

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1 commentaire
  1. BACSIK 3 mois ago

    Bonjour,
    Vous utilisez des informations et des données erronées concernant Berthe Eisenberg (sœur de feue ma grand-mère Lucienne Eisenberg), je vous remercie de prendre contact avec moi afin que je vous communique LES VRAIES informations afin que l’histoire de ma famille soit respectée.

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