NEWSLETTER n°10. CONVOI 77
POUR LES ENSEIGNANTS ET CHERCHEURS Eté 2022
Par l’équipe Convoi 77 France de Sciences Po Paris equipeconvoi77.sciencespo@gmail.com
Nous sommes très heureux d’avoir pu travailler avec Convoi 77 cette année et laissons place à nos successeurs dès septembre 2022 !
Bonne rentrée à tous,
Emma, Théo, François-Xavier & Manon
Deux petits rappels
N’oubliez pas d’aller consulter ce lien, dès lors que vous avez fini de rédiger une biographie avec votre classe et que vous souhaitez l’envoyer à l’association pour la partager sur leur site :
Cela facilitera grandement le travail de mise en ligne de vos travaux !
Par ailleurs, prenez garde lorsque vous joignez à vos biographie des photos trouvées sur internet. En effet, certaines ne sont pas forcément libres de droit ! Vous faites courir des risques à l’association qui se retrouve ainsi hors-la-loi !
Compte-rendu de la conférence à Sciences Po Paris du 16 mars 2022
La table ronde du 16 mars 2022 tenue à Sciences Po a réuni autour du modérateur François Heilbronn Florianne Schneider, Sébastien Ledoux et Iannis Roder. La conférence a attiré environ quatre-vingt personnes, en présentiel et en zoom.
Les interventions des trois historien.ne.s ont été très à propos sur le sujet choisi de la commémoration de la Shoah au XXIème siècle, offrant une perspective actuelle sur l’historiographie et l’histoire des commémorations de la Shoah depuis la Seconde Guerre mondiale. De même, les trois contributions sont venues lier les commémorations et mémoires publiques du génocide à son enseignement, sa construction en tant qu’objet d’enseignement et l’évolution de cet objet en parallèle des discours et représentations sociales.
Floriane Schneider – Une double décennie dans la fabrique de la mémoire de la Shoah en France, des années 80 au début des années 2000
L’intervention de Floriane Schneider s’intitulait « Une double décennie dans la fabrique de la mémoire de la Shoah en France, des années 80 au début des années 2000 » et portait sur la construction d’une mémoire collective de la Shoah, fruit de multiples représentations sociales fluctuantes et évolutives. Actant le départ de son analyse avec le procès de Klaus Barbie en 1987 qui acte « un nouvel âge de la mémoire génocidaire », Floriane Schneider analyse l’histoire et la construction de la mémoire autour de trois piliers que sont les médias, l’école et les cérémonies commémoratives. Elle présente ainsi le développement de l’institutionnalisation et la patrimonialisation de la mémoire de la Shoah qui vient pallier la disparition progressive des témoins et victimes directes du génocide de la Seconde guerre mondiale.
Sébastien Ledoux – L’évolution de la mémoire de la Shoah : entre normalisation et numérisation
Sébastien Ledoux a intitulé son intervention « L’évolution de la mémoire de la Shoah : entre normalisation et numérisation ». Il rappelle l’inadéquation du terme de devoir de mémoire, qui est pourtant dès les années 90, très lié à la mémoire de la Shoah. Il différencie devoir de mémoire et devoir de témoigner retrace la construction mémorielle post Seconde guerre mondiale. Il réfute la thèse du silence des années 50 et 60 pour mettre en lumière la mise en place d’une mémoire et de commémorations « d’une première mémoire de la Shoah » (Simon Perego). Il explique en outre que, face au négationnisme public et au relativisme vis-à-vis de la Shoah dans les années qui suivent, se met en place une politique publique de commémoration et de remémoration qui constitue un tournant du récit national. S’en suit dans l’enseignement une politique de prévention afin d’éviter le retour de cette violence génocidaire au nom d’une éducation à la citoyenneté, des droits de l’Homme, de la tolérance et du refus de la barbarie. Enfin, il évoque le tournant numérique de la commémoration, servant de nouveau à compenser la perte de témoins directs mais également à intéresser la jeunesse à ces événements du passé qui restent d’actualité (numérisation des témoignages, hologrammes, immersion interactive).
Iannis Roder – D’un enseignement moral à un enseignement politique ?
Iannis Roder a clôturé la table ronde avec la question : « D’un enseignement moral à un enseignement politique ? ». Se réappropriant les diverses évolutions de la mémoire de la Shoah, Iannis Roder comprend l’enseignement de la Shoah au prisme de ces évènements. Il rappelle la montée des actes et violences antisémites dans les années 2000, alors même que des évènements dans les années 90 avaient été perçus comme fédérateurs pour le « plus jamais ça ». Il mentionne le discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 et rappelle les manifestations à la suite de la profanation du cimetière juif de Carpentras. Il évoque la politisation néfaste de la mémoire de la Shoah dans le cadre des événements en Israël. En outre, Iannis Roder mentionne l’importance dans le même temps de solidifier la mémoire des communautés juives qui ont disparu à la suite du génocide et de déjudaïser le génocide afin d’en comprendre son universalisme et d’en enrichir la mémoire en le mettant avec lien avec d’autres génocides, d’autres violences de masse. Il s’agit ainsi d’ouvrir les horizons intellectuels et politiques des élèves afin de mettre en place un enseignement menant à la conscientisation du fait politiques par les élèves, la nouvelle génération.
Les questions ont été nombreuses et n’ont pas pu être toutes traitées par manque de temps, mais nous sommes ravis.es du succès et du dynamisme de la conférence.
Vous pourrez trouver le lien de la vidéo de la conférence ci-dessous : https://www.youtube.com/watch?v=6riYHbego1g
Les 16 et 17 juillet 1942, plus de 13 000 hommes, femmes et enfants juifs sont arrêtés par la police française sur demande des autorités nazies, avant d’être enfermés pendant plusieurs jours dans le stade du Vélodrome d’Hiver, de transiter par les camps de Pithiviers, Beaune-la-Rolande ou Drancy et de connaître la déportation vers Auschwitz-Birkenau. Seule une centaine de personnes survivra, et aucun des enfants « raflés » ce jour ne reviendra d’Auschwitz.
Plus grande arrestation de juifs durant la Seconde Guerre mondiale en France, la Rafle du Vel d’Hiv’ illustre la complicité des autorités de Vichy dans la déportation des juifs de France. Cette responsabilité sera pleinement reconnue le 16 juillet 1995 par Jacques Chirac, juridiquement consacrée en 2009 (CE, 16 février 2009, Hoffman-Glemane) et solennellement réaffirmée en 2017 par le Président Emmanuel Macron.
Instaurée en 1993, la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France a lieu le 16 juillet et correspondra, cette année, au 80ème anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv’. A cette occasion, une cérémonie se tiendra à l’initiative de l’association Fils et Filles des déportés juifs de France (FFDJF), en présence de Serge Klarsfeld, président des FFDJF et de Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, et sera retransmise en direct à partir de 17h30 depuis le jardin des enfants du Vélodrome d’Hiver.
Par ailleurs, le Mémorial de la Shoah lance un appel à témoignage à destination de toute personne victime ou ayant aidé des victimes de la Rafle du Vel d’Hiv’.
Enfin, il est à noter la parution le 25 mai 2022 de l’ouvrage de Laurent Joly, La Rafle du Vel d’Hiv. Paris, juillet 1942 (Grasset, 426 p., 24 €, numérique 17 €), qui offre une nouvelle lecture de l’évènement.
Les Stolpersteine désignent une catégorie d’objets commémoratifs de petite taille incrustés au sol, qui se présentent sous la forme et la taille de pavés. On doit leur création à l’artiste allemand Gunter Demnig, né après-guerre en 1947. Ce dernier conçoit les premières Stolpersteine au début des années 1990 et les pose en Allemagne. La pratique arrive en France plus tardivement (1ère pose en 2013).
Ces petites pierres, recouvertes d’une plaque en laiton porteuse d’informations, sont posés dans les rues que les victimes du nazisme ont un jour foulées, devant leur dernier lieu de résidence souvent, pour mieux interpeller l’Homme contemporain qui chemine.
On peut citer la pose d’une telle oeuvre en l’honneur de Léo Cohn en avril à Strasbourg. La rédaction de la biographie de Léo Cohn a d’ailleurs donné naissance à un documentaire, projeté en en mai dernier, au Mémorial de la Shoah.
La mémoire de deux déportés du Convoi 77 a par ailleurs récemment été honorée par la pose de Stolpersteine. L’une à Stuttgart-West, précisément au 15 Weimarstrasse, pour rappeler le lieu de naissance de Siegfried Fiskus, alias Serge-François Foder, inaugurée le 4 mars dernier. La deuxième, à Francfort pour Charlotte Mentzel-Rothschild, dite Lotte, installée le 12 juin.
L’occasion pour nous de retracer parallèlement deux destins aux parcours distincts mais trouvant des similitudes chronologiques et géographiques.
Pour lire la biographie de Charlotte Mentzel-Rotschild, rédigée par la 9th grade class de la Schillerschule à Frankfurt-am-Main
Les élèves du collège Charles Péguy à Palaiseau à leur tour ont produit un travail sur Charlotte, guidés par leur enseignante Claire Podetti, y adjoignant des recherches sur sa fille Ruth. Dans ce cadre, ils avaient participé à la visite du premier ministre français Jean Castex à Auschwitz le 27 janvier 2022.
Aucune biographie retraçant la vie de Siegried Fiskus n’a encore été publiée à ce jour sur le site de Convoi 77, mais de nombreux éléments sur sa vie se trouvent sur d’autres sites.
L’incroyable histoire des photos retrouvées du couple Kohn
En 2021, un groupe d’élèves du Collège Pierre Alviset à Paris et leur enseignante d’histoire-géographie Catherine Darley ont travaillé sur les biographies du couple Victor et Frieda Kohn. Après des recherches riches en documentations et en témoignages, ces biographies ont été publiées et sont disponibles sur notre site (Victor Kohn, 1901-1944 : https://convoi77.org/deporte_bio/victor-kohn/ ; Frieda Kohn, née Fradel Wagner 1894-1944 : https://convoi77.org/deporte_bio/frieda-kohn/ ).
Cependant, l’histoire de ce couple ne s’arrête pas là. En avril dernier, un commentaire a été publié sous la biographie de Victor Kohn sur notre site par une dame ayant découvert des photos appartenant au couple et cherchant à entrer en contact avec leur famille. Catherine Darley est donc entrée en contact avec elle et le récit est stupéfiant !
Cette dame aime faire les brocantes et s’intéresse tout particulièrement aux “vieux papiers”. Elle achète d’anciennes photographies ayant à leur dos quelques indices à partir desquels elle va retracer leur histoire. Lorsque ses recherches la conduisent à retrouver des gens vivants qui sont liés à ces photographies, comme des descendants, elle s’applique à leur transmettre cet héritage de leur famille parfois lointaine.
Ainsi, elle avait fait l’acquisition d’un lot de photographies dont certaines étaient adressées en Hongrie et une à “Mme et Mr Kohn, 75 rue de Doudeauville à Paris 18ème”. Certaines de ces photographies étaient légendées en hongrois, et d’autres en français. Elle s’est donc mise à mener l’enquête pour reconstituer la “famille” représentée par ces différentes photographies. Au cours de ses recherches, elle est tombée sur la biographie de Victor et Frieda Kohn sur notre site et est entrée en contact avec nous. L’enseignante Catherine Darley a donc servi d’intermédiaire entre cette dame et la petite-fille des époux Kohn à qui elle a rendu les photographies retrouvées.
Il s’agissait ainsi de photographies de cousins en France, en Allemagne et en Hongrie datant des années 1930. La fille du couple Kohn, Charlotte, et leurs petits-enfants regrettaient de les avoir perdues après la mort d’Albert, le fils des Kohn. Ces photographies avaient été refusées aux descendants et jetées avant d’être retrouvées par la dame sur un marché… C’est une histoire comportant un peu d’amertume et rappelant un douloureux passé pour la fille des Kohn, Charlotte.
Grâce aux découvertes de cette dame et au lien qu’a permis de créer les biographies du couple Kohn rédigées par les élèves de Catherine Darley, c’est un nouveau chapitre qui s’est ajouté à cette riche histoire familiale !
Nouvelles de Nina Makarova, enseignante ukrainienne
En cette période trouble pour l’Ukraine, victime de l’invasion russe depuis le 24 février dernier, nous avons une pensée toute particulière pour Nina Makarova, enseignante d’histoire à l’école 9 de Druzhkovka dans l’Oblast de Donetsk, à l’Est de l’Ukraine.
En 2020, Nina s’était rapprochée de notre projet dans le cadre de recherches sur Uziel Massine, né le 24 mai 1905 à Ekaterinoslav dans l’Empire russe (actuelle Dnipro en Ukraine). Le travail minutieux conduit par elle et ses élèves avait alors permis de retracer son parcours, depuis son emménagement en France avec sa famille en 1914, puis sa déportation le 31 juillet 1944 avec le Convoi 77, sa libération le 11 avril 1945, jusqu’à son décès le 10 juin 1979. (Nous vous invitons à découvrir sa biographie en ligne : https://convoi77.org/deporte_bio/uziel-massine/ )
Particulièrement engagée dans l’histoire de la Shoah en Ukraine, Nina Makarova a toujours à cœur chaque année d’impliquer ses différentes classes dans de nombreux projets aussi bien à l’échelle locale et nationale qu’internationale. En 2021, nous avions consacré un article à son travail dans une de nos newsletters (que nous vous invitons à découvrir ici : https://convoi77.org/newsletter-enseignants-et-chercheurs-n6/ ) . Elle nous avait alors exposé sa vision de l’importance de l’enseignement de la Shoah, “pour que cela ne se reproduise jamais”.
Fin mai dernier, nous avons ainsi tous été soulagés de recevoir de Nina des nouvelles d’Ukraine. Restée à Druzhkovka en dépit des bombardements menés le 5 juin par l’armée russe, elle continue à donner cours chaque jour, à distance, aux élèves de sa classe.
Nous souhaitons profiter de ce billet pour exprimer notre admiration de son travail, son engagement et ses valeurs, qu’elle s’emploie à transmettre, tous les jours, avec passion à ses élèves.
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Il y a 80 ans…
Les familles et amis des déportés du Convoi 77 s’associent aux commémorations du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et souhaitent apporter leur contribution au si nécessaire travail de mémoire.
Vous pouvez vous associer à cette commémoration en allumant une bougie du souvenir à la mémoire des déportés et en laissant un message.